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Maroc : voitures du 21e siècle, méthodes de Germinal
Pour approvisionner leurs nouvelles « gigafactories » de batteries électriques en cobalt, Renault et BMW ont noué un accord avec l’entreprise minière Managem, propriété de la famille royale marocaine.
Les constructeurs mettent en avant ce choix pour verdir leur image, puisque, d’après eux, l’extraction du minerai se ferait dans des conditions « responsables ». Ce mensonge est dénoncé par une enquête du média associatif en ligne Reporterre.
Renault explique sur son site que la mine de cobalt de Bou Azzer, située au sud de Ouarzazate, bénéficie de certifications internationales en matière de respect des travailleurs et de l’environnement. Mais les institutions qui les ont délivrées sont pilotées par les grandes entreprises minières. Managem fait également partie du « fair [équitable] cobalt alliance », qui rassemble également Tesla, LG et Glencore. Ce dernier, l’un des plus gros trusts miniers de la planète, s’est rendu célèbre il y a une dizaine d’années pour les ravages qu’ont causé ses mines de cuivre en Zambie, dont les maladies pulmonaires ont empoisonné la population de ce pays africain. Autant dire que ces paravents cachent mal la réalité.
Au Maroc, Managem extrait, depuis de nombreuses années, de l’arséniure de cobalt et commercialise l’arsenic qu’elle en tire et le cobalt qui entre dans la composition des batteries électriques. L’arsenic, obtenu après un traitement à l’acide sulfurique, est utilisé pour des pesticides. Des dizaines de milliers de tonnes de ce produit extrêmement toxique sont stockées à l’air libre. Les mineurs développent des maladies des poumons et de la peau. Ils sont aussi victimes de nombreux accidents du fait des conditions d’extraction particulièrement dangereuses. Comme beaucoup sont engagés par des entreprises sous-traitantes, et souvent en CDD, ils ne disposent d’aucune assurance et ne peuvent se soigner.
L’intoxication touche en réalité toute la population des villages autour de la mine, qui respire la poussière d’arsenic charriée par le vent. L’agriculture, quant à elle, est devenue impossible : plus rien ne pousse.
Des grèves ont été menées en 2011 et 2012, pour réclamer l’application du droit du travail, des mesures de sécurité et d’hygiène de base, comme du savon pour les sanitaires. Une section syndicale a été construite, mais la répression a été féroce. Des militants témoignent dans le reportage des mauvais traitements infligés par la police marocaine. Il a fallu plusieurs années au régime pour vaincre les mineurs du syndicat et obtenir sa dissolution, en licenciant ceux qui refusaient de plier l’échine.
On a là un exemple de ce que signifie la fameuse transition environnementale : c’est avant tout la poursuite de l’exploitation sans vergogne des hommes et de la Terre.