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Leur société
Lubrizol : pollueur incontrôlé
Dans la semaine du 21 octobre, le PDG de l’usine Lubrizol de Rouen doit être entendu par des députés, des sénateurs et même des ministres. Si tous font mine de s’interroger gravement sur les causes de l’incendie, personne parmi tout ce beau monde ne pose le problème de fond du contrôle qu’il faudrait d’autant plus exercer sur ces entreprises dangereuses.
L’État laisse en réalité les mains libres aux capitalistes de la pétrochimie pour faire un maximum de profits, quitte à mettre en danger la santé des travailleurs et des riverains, voire leur vie. L’incurie des autorités face à la dangerosité des sites pétrochimiques n’est plus à prouver. En témoigne une fois de plus un rapport de la Chambre de commerce et d’industrie de Normandie, daté de 2010 et cité par Le Monde, qui pointait l’insuffisance criante des mesures de sécurité, en particulier l’absence de formation chez les sous-traitants qui emploient des milliers de salariés. D’après ce rapport, plus de 90 % des salariés ignoraient les principes généraux de la prévention, les documents recensant les risques liés au site où ils travaillaient, le contenu des fiches de sécurité des produits indiquant leur dangerosité, le maniement des extincteurs, et ainsi de suite. Comme le souligne un inspecteur du travail de Seine-Maritime, « les propres constats du patronat sont encore plus alarmants que ceux des organisations syndicales et de l’inspection du travail ». Mais malgré de nombreuses alertes, y compris auprès du ministère du Travail, rien n’a été fait.
Tandis que députés et sénateurs font semblant d’enquêter, chaque jour apporte son lot de témoignages sur Lubrizol, comme celui d’un pompier en colère interviewé par le journal : « C’est la première fois de ma carrière de pompier que je quitte les lieux d’un incendie en les laissant dans un pire état que celui où je les ai trouvés. » Il n’y avait pas d’eau dans la borne d’incendie la plus proche, en travaux, et celle où les lances ont pu être branchées manquait de pression. Personne ne savait ce qu’il y avait dans les fûts : « il y avait juste un code-barres pour les identifier. Personne sur place ne savait non plus que la toiture était en amiante. »
En l’absence d’engin capable de fabriquer la mousse indispensable pour éteindre un feu d’hydrocarbure, il a fallu attendre plusieurs heures pour en faire venir un d’un autre département. Pas de système non plus pour recharger les bouteilles d’air des appareils respiratoires que, heureusement si l’on peut dire, les pompiers n’ont pas été contraints de porter. Cependant, les jours suivants, plusieurs d’entre eux ont eu des nausées, vomissements, migraines, maux de gorge.
Mardi 22 octobre, l’évacuation de 160 fûts, les plus endommagés, a commencé. En tout, il en reste près de 1 400, dont 1 000 qui ont partiellement brûlé. Autant dire que la situation reste dangereuse. Et on comprend que travailleurs de l’entreprise, pompiers, riverains déjà victimes de l’incendie, soient toujours inquiets et en colère.