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Dans le monde
Algérie : le mouvement populaire défie le chef de l’armée
En Algérie, le mouvement populaire, né il y a huit mois contre le cinquième mandat de Bouteflika, et qui s’est transformé en une révolte contre tout le système, ne semble pas près de s’éteindre.
Les manifestants, toujours nombreux et déterminés, rejettent l’élection présidentielle du 12 décembre, organisée par un gouvernement qu’ils considèrent comme illégitime. Ils rejettent également deux nouvelles lois, la loi de finance et surtout celle sur les hydrocarbures, destinée à ouvrir le secteur aux multinationales étrangères. La population n’accepte pas qu’elles fassent main basse sur les richesses minières et pétrolières du pays. Ils exigent aussi la libération de tous les détenus arrêtés pour leur participation au mouvement.
Gaïd Salah, le chef d’état-major qui est à la manœuvre depuis le départ de Bouteflika, n’a pour l’instant pas fait le choix de recourir à une répression frontale à l’image de la répression au Soudan. Pour autant, il essaie par tous les moyens de dissuader les manifestants. Pour limiter l’ampleur des manifestations à Alger le vendredi, il a bloqué les accès à la capitale par des barrages de gendarmes, alors que la circulation des trains, trams et métros est suspendue ce jour-là. Il fait procéder à des arrestations arbitraires de manifestants, et d’autres, plus ciblées, de militants et de journalistes. Les radios et télévisions publiques, qui ne doivent pas couvrir le « Hirak » (le mouvement), sont censurées. Certains contenus de sites Internet, comme celui de TSA, ne sont plus accessibles en Algérie. De plus, Gaïd Salah insulte le mouvement populaire, affirmant sur les ondes que c’est l’argent sale qui fait gonfler les rangs des manifestants, ainsi que la « main de l’étranger » !
Jeudi 17 octobre à 21 heures, dans de nombreuses villes, la population a massivement manifesté sa solidarité aux détenus par des bruits de casseroles et des concerts de klaxon. Les menaces, les arrestations et la campagne de dénigrement sont pour l’instant sans effet.
Les dernières manifestations des vendredis 11 et 18 octobre ont été une démonstration de force. La jeunesse des quartiers populaires, la jeunesse étudiante, de nombreuses familles, des retraités, des travailleurs ont répondu de manière pacifique à Gaïd Salah. « Dégage, Gaïd Salah ! ». « Où es-tu, Gaïd Salah ? Cette année, il n’y aura pas de vote ! », « L’Algérie n’est pas à vendre ! », ont scandé les manifestants. Dimanche 13 octobre, répondant à un appel sur les réseaux sociaux, des milliers de personnes se sont rassemblées devant l’Assemblée nationale populaire, forçant les barrages de police pour dénoncer le vote de la loi sur les hydrocarbures au contenu pour l’instant opaque.
Dans tout le pays, des émeutes, sit-in, manifestations se multiplient pour l’accès au logement, pour un environnement plus salubre ou pour l’emploi. Ainsi, les jeunes recrutés dans le cadre du pré-emploi demandent leur « permanisation » et ont manifesté devant la préfecture de Constantine et d’autres villes. Ces travailleurs diplômés sont payés en dessous du salaire minimum, un ingénieur est payé 15 000 dinars (75 euros), pas de quoi vivre et encore moins nourrir une famille.
Avec l’inflation et le chômage qui se développe, la vie est de plus en plus difficile. L’annonce de nouvelles taxes destinées à réduire le déficit budgétaire ne passe pas. À l’augmentation de la TVA s’ajoutent des taxes sur le tabac, les produits électroménagers et l’instauration d’une vignette automobile. Celle sur les produits importés, qui concerne une grande partie des produits consommés, rendra ceux-ci inaccessibles.
À la veille du dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle, les raisons de la colère sont de plus en plus nombreuses. Les partis dits d’opposition, les islamistes et les partis des Forces de l’alternative démocratique ont renoncé à se présenter. Les quelques candidats sont tous des anciens ministres, tel que Ali Benflis qui fut Premier ministre de Bouteflika. On ignore si cette élection se tiendra comme le souhaite Gaïd Salah, mais elle ne peut pas être une issue pour tous ceux qui aspirent à un changement radical du système.
Les appels à manifester le 1er novembre, jour anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance du pays, se multiplient. Des millions d’Algériens se préparent à descendre dans la rue pour réclamer la fin du système et une « seconde indépendance ».
Changer de système, en finir avec l’oppression sociale et politique, vivre dignement ne sera possible qu’en renversant un État au service des intérêts de la bourgeoisie algérienne et des grands groupes impérialistes.