Emploi : une campagne patronale intéressée29/11/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/11/2574.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Emploi : une campagne patronale intéressée

Sous le titre « Drame français : trop de chômeurs, pas assez de bras », un éditorialiste du journal Les Échos a apporté sa pierre à une campagne médiatique selon laquelle les patrons français voudraient bien embaucher mais ne trouveraient pas assez de salariés motivés et compétents.

Selon une étude de l’officine patronale Coe-Rexecode, 42 % des patrons de l’industrie, 58 % de ceux du bâtiment et même 35 % dans les services affirment avoir du mal à recruter, alors qu’ils ne demanderaient que cela ! À les entendre, les carnets de commandes sont remplis comme jamais depuis 2008, la reprise économique est en marche mais risque d’être entravée par la difficulté de trouver du personnel...

Ce discours accusant les chômeurs de ne pas vraiment vouloir chercher du travail est récurrent. Il sert à dresser les millions de travailleurs qui peinent à vivre avec leur petit salaire contre les six millions d’autres, partiellement ou totalement au chômage, survivant avec des allocations souvent misérables. Comme s’il était facile, par exemple à un ajusteur-fraiseur de 50 ans licencié dans la Creuse, même qualifié, de venir s’installer, en abandonnant sa famille ou sa maison achetée à crédit, dans la vallée de l’Arve (Haute-Savoie) pour un emploi le plus souvent en CDD ou en intérim. Sans parler des millions de travailleurs, usés physiquement pendant des décennies sur des postes non qualifiés, avant d’être jetés à Pôle emploi lors d’une fermeture d’usine, qui ne pourront plus jamais tenir les cadences imposées dans les usines ou les entrepôts de logistique. Il n’y a pas besoin de statistiques pour comprendre qu’ils ne vont pas tout quitter pour aller chercher au loin les petits boulots sous-payés qu’ils ont du mal à trouver chez eux.

Quand les industriels de la vallée de l’Arve, où sont installés de nombreux sous-traitants de l’automobile, se plaignent de manquer de gens expérimentés, ils mentent par omission. Ils n’évoquent ni la proximité de la Suisse où les salaires plus élevés attirent les travailleurs, ni le coût exorbitant du logement, impossible à payer avec un salaire d’ouvrier, même qualifié. Combien de patrons sont prêts à augmenter massivement les salaires ?

Ces patrons oublient aussi de rappeler qu’ils ont supprimé des milliers d’emplois depuis la crise de 2008 tout en laissant vieillir leur parc de machines-outils. Certains travailleurs qualifiés ont retrouvé un emploi dans d’autres secteurs. D’autres, après des années de chômage, ne sont pas immédiatement opérationnels sur les nouvelles machines dans lesquelles certains patrons investissent au compte-gouttes. Et c’est là l’objectif inavoué de cette campagne. Les patrons exigent que l’État et les régions prennent à leur charge les investissements et la remise à niveau des salariés. Macron les a déjà entendus, puisqu’il a débloqué 15 milliards d’euros sur cinq ans « pour armer les entreprises, armer les jeunes par rapport aux défis de demain ». Ben voyons !

Faire financer leurs investissements et la formation de leur main-d’œuvre par la collectivité est une vieille spécialité patronale. Dans cette période de très relative reprise des commandes, ils reprennent leurs jérémiades, tout en alimentant une odieuse campagne pour stigmatiser les chômeurs.

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