Contrôle ouvrier et expropriations29/11/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/11/2574.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Russie 1917 : la révolution au fil des semaines

Contrôle ouvrier et expropriations

Dans les semaines qui suivirent la révolution d’Octobre, la classe ouvrière prit en main le contrôle des usines. Puis rapidement, devant le sabotage de la production par la bourgeoisie, vinrent les expropriations, réalisées par les travailleurs eux-mêmes. Le pouvoir confirma ces initiatives. Il organisa aussi la nationalisation des banques et leur fusion en un système bancaire public unique. Jour après jour, les points d’appui des anciennes classes dominantes étaient détruits et remplacés par les fondements d’une organisation sociale nouvelle. Voici un extrait du livre L’An I de la révolution russe de Victor Serge sur le sujet :

« Le programme économique des bolcheviks comportait le contrôle ouvrier de la production et la nationalisation des banques. Le décret instituant le contrôle ouvrier de la production fut rendu dès le 14 novembre. Il légalisait l’ingérence des ouvriers dans la gestion des entreprises, les décisions des organes de contrôle étant obligatoires et le secret commercial aboli. (…) Par l’exercice du contrôle, la classe ouvrière eût appris à diriger l’industrie ; par la nationalisation des établissements financiers et la maîtrise du crédit, elle eût récupéré, au profit de l’État, une partie des bénéfices prélevés par le capital sur le travail, diminuant d’autant l’exploitation. (…) Cet acheminement raisonné vers le socialisme ne pouvait pas être du goût du patronat. (…)

Le sabotage de la production par les patrons entraînait l’expropriation par voie de représailles. Quand le patron arrêtait le travail, les ouvriers remettaient eux-mêmes, à leur propre compte, l’établissement en activité. (…)

Les autorités soviétiques entreprirent un peu partout de réquisitionner les stocks de vivres des commerçants, les vêtements chauds, les chaussures, la literie des riches. Les visites domiciliaires se suivirent. Les impôts ne rentraient pas ; les autorités locales imposèrent – toujours de leur propre initiative et pour leurs propres besoins – des contributions à la population aisée. (…) À Ivanovo-Voznessenk, les ouvriers nationalisent, à la suite du sabotage patronal, deux manufactures textiles. Dans le gouvernement de Nijni-Novgorod, diverses entreprises sont nationalisées, les patrons ne voulant plus diriger la production. Dans le gouvernement de Koursk, les raffineries de sucre, les tramways, une fabrique de cuir, plusieurs ateliers mécaniques passent, pour des raisons analogues, entre les mains des ouvriers. Dans le bassin du Donietz, les directeurs des mines se joignent aux Blancs. Les ouvriers de soixante-douze mines constituent un Conseil de l’économie qui assume la gestion des entreprises. (…)

Le Conseil supérieur de l’économie nationale fut créé le 5 décembre pour coordonner l’action de tous les organes locaux ou centraux régissant ou contrôlant la production (…). Mais, dans la période que nous étudions, l’autorité locale est, en somme, la seule qui compte. (…)

L’expropriation des banques

La nationalisation des banques, rendue nécessaire par la résistance des établissements financiers au contrôle, par leur refus de collaborer avec le pouvoir prolétarien, par leur rôle dans le sabotage de la vie économique, fut l’une des plus grandes initiatives prises avant la réunion de la Constituante. Le décret érigeant la banque en monopole d’État parut le 14 décembre.

Toutes les banques privées fusionnaient avec la Banque d’État. Les intérêts des petits déposants seraient entièrement sauvegardés. Un second décret prescrivait, sous peine de confiscation, l’inventaire des coffres-forts appartenant aux particuliers. L’or monnayé ou en lingot devait être réquisitionné et tous les fonds placés en comptes courants à la Banque d’État. Les gardes rouges occupèrent les banques ; les directeurs récalcitrants furent coffrés. (…)

La nationalisation des banques suscita le jour même, à l’Exécutif panrusse des soviets, un débat entre Lénine et un menchevik de la fraction internationaliste. Ce dernier (d’accord sur le principe) souligna la complexité et la gravité des questions financières. (…)

“Vous nous parlez, dit Lénine, de la complexité de la question, et ce sont des vérités premières connues de tous. Si elles ne servent qu’à entraver les initiatives socialistes, celui qui les emploie n’est qu’un démagogue (…). Vous acceptez en principe la dictature du prolétariat, mais quand on l’appelle par son nom en langue russe, quand on parle d’une poigne de fer, vous invoquez la fragilité et la complexité des choses.” »

Partager