Guyane : des braises sous la cendre01/11/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/11/2570.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guyane : des braises sous la cendre

Macron avait tout fait pour ignorer et mépriser à distance les manifestants de Guyane. Ce sont eux qui ont manifesté dès le premier soir de son arrivée et sous ses fenêtres. Cependant, le chef de l’État a refusé de rencontrer les dirigeants du Kolektif Pou Lagwiyann Dékolé (collectif pour que la Guyane décolle). C’est ce collectif, que Macron juge illégitime, qui avait pourtant dirigé la mobilisation populaire d’avril dernier et bloqué la vie économique du pays, jusqu’à empêcher la fusée Ariane de décoller.

En réalité, pendant son séjour, Macron n’a été préoccupé que par le mouvement social de protestation guyanais et ses dirigeants. C’est à lui qu’il s’était adressé à distance en le traitant de délinquant et d’illégitime. C’est encore à lui qu’il a déclaré qu’il n’était pas venu distribuer des milliards et que cet argent était celui des Français. Et à ce propos, de quels Français parlait Macron ? Ceux de l’Hexagone ou ceux de l’ancienne colonie de Guyane ? Il est permis de se poser la question devant le mépris affiché pendant son séjour.

Mais Macron devait bien saupoudrer ici et là des promesses, comme tous les chefs d’État se rendant en outre-mer. Chirac avait bien promis un tunnel entre les deux îles de Guadeloupe, sous la rivière Salée... Il est revenu sur la cession de centaines de milliers d’hectares de terres au peuple amérindien. Mais les Amérindiens de Guyane se demandent qui sera réellement propriétaire de ces terres : la collectivité de Guyane ? Les municipalités où les Amérindiens sont nombreux ? Ou les paysans amérindiens eux-mêmes ? Ceux-ci rappellent fort justement que c’est la colonisation française qui a volé ces terres à leurs ancêtres il y a plusieurs siècles.

La population se demande aussi si le projet évoqué par Macron d’une immense mine d’or à Saint-Laurent-du-Maroni, aux conséquences catastrophiques pour la population, sera maintenu ou non. Les Amérindiens et les opposants au projet s’inquiètent par exemple des millions de tonnes de boues issues du processus pour séparer l’or de la roche au moyen de cyanure. Déjà les populations amérindiennes et bushinengués (descendants des esclaves marrons ayant fui l’esclavage pour se réfugier dans la forêt) subissent les conséquences désastreuses de l’orpaillage clandestin : la pollution au mercure des eaux fluviales. C’est en partie cela, aggravé par le sous-développement chronique, qui avait poussé les Amérindiens et Bushinengués à se joindre aux grandes manifestations d’avril dernier.

Du reste, dès le dimanche suivant le départ de Macron, un barrage routier d’habitants de Montsinéry-Tonnégrande s’est formé. Sur leurs pancartes on lisait : « Eau, électricité, voirie », « Signalisation pour nos enfants », « Ras le bol des promesses ». Il a fallu l’intervention brutale des gendarmes pour les disperser à coups de grenades lacrymogènes.

Le gouvernement n’en a pas fini avec le mécontentement populaire en Guyane. Macron l’a senti. Malgré une fermeté affichée en paroles, il a convenu que la question des deux milliards manquants sur les trois exigés par le collectif serait tout de même étudiée. Un point marqué grâce à l’expression de la colère populaire.

Partager