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- Lutte ouvrière n°2308
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Leur société
Centres pour handicapés et prisons : Des zones de non-droit du travailleur
Le patron d'une PME des environs d'Angoulême a écrit aux autorités pour dénoncer la concurrence déloyale que lui feraient les détenus des prisons alentour. En effet son entreprise est sur le même créneau que celles qui exploitent désormais le travail des prisonniers : le « conditionnement à façon ».
Il s'agit de travaux qui ne demandent pas de qualification particulière, ni de machines, seulement une main-d'oeuvre contrainte de ne regarder ni à sa peine, ni à ses heures : mise en carton ou sous blister de jouets et petits appareils électroménagers, en joignant le mode d'emploi ; assemblage et empaquetage de corbeilles cadeaux ; confection d'objets publicitaires ne demandant qu'une paire de ciseaux et un bâton de colle, etc.
Le patron en question, interrogé par le quotidien Le Monde, annonce payer le smic, un treizième mois, une prime de participation et une mutuelle. Ce n'est pas le cas de bien d'autres PME de ce secteur qui peuvent naître et disparaître à la vitesse des champignons et payent strictement le smic horaire, décomptent très approximativement le temps de travail et disposent d'une main-d'oeuvre abondante et interchangeable parmi les mères de familles isolées de petites villes et de quartiers frappés par le chômage.
Mais en prison c'est encore pire : les détenus ne touchent même pas la moitié du smic horaire et surtout ils ne sont pas soumis au Code du travail : aucune protestation n'est possible, la possibilité même de travailler est soumise à l'arbitraire de l'administration, le travail à la tâche est la règle. Une détenue licenciée par son patron avait porté l'affaire devant les Prud'hommes. Ces derniers se sont déclarés incompétents car, suivant la loi, les détenus ne sont pas des salariés. Il faut croire que les patrons trouvent leur compte dans cette réelle zone de non-droit puisqu'une des entreprises leader dans ce secteur est une filiale de GDF Suez.
Pourtant il y a plus sordide encore. Les margoulins spécialisés dans l'exploitation des détenus se plaignent en effet de la concurrence déloyale des Centres d'aide par le travail. Les personnes travaillant dans ces centres ne sont pas, elles non plus, soumises au Code du travail, mais uniquement à l'appréciation de l'administration. Les centres ne payent qu'une partie du smic inversement proportionnelle au handicap, l'État payant le reste, ce qui les rend moins chers que les prisons pour les donneurs d'ordres.
La recherche incessante de la baisse du « coût du travail » a sa logique. Elle n'est pas belle à voir.