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Leur société
Fusion Gaz de France - Suez : Un géant du privé constitué avec l'argent public
La fusion de Gaz de France et du groupe Suez est désormais en marche. C'est " la naissance d'un géant français de l'énergie " a déclaré à ce propos Claude Guéant, le secrétaire général de l'Élysée. Nombre de commentateurs se félicitent de la naissance du nouveau groupe : GDF-Suez sera le premier groupe distributeur gazier en Europe et une des plus grosses entreprises énergétiques mondiales, " le leader mondial du gaz naturel liquéfié ". Ainsi nous dit-on, dans la concurrence mondiale, " la France sera bien placée ". Mais qui donc sera bien placé ?
Pendant des décennies, les deux entreprises nationalisées EDF et GDF fonctionnaient de concert et c'est dans ce cadre qu'ont été effectués les plus gros investissements pour équiper le pays, tant en centrales électriques qu'en équipements de transport gazier et de réseaux de distribution. Mais EDF et GDF ont été séparées, au nom de la nécessité de la concurrence et en fait, malgré les dénégations des gouvernements successifs et y compris de Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'Économie, pour en permettre la privatisation.
Cette prétendue nécessité de la concurrence ne fait que cacher, bien mal d'ailleurs, les appétits de gros groupes capitalistes à la recherche d'entreprises susceptibles de rapporter rapidement du profit. Le groupe Suez est du nombre et ses bonnes relations avec le gouvernement français lui ont permis d'avoir son soutien lorsque le groupe italien ENEL (l'ancienne compagnie nationale d'électricité italienne, privatisée elle aussi) a voulu racheter GDF. La fusion de GDF avec Suez a alors été présentée comme une réponse " stratégique " pour la constitution d'un pôle " français " de l'énergie... alors que la nationalité de telles multinationales n'a plus grand sens, Suez étant d'ailleurs un groupe à capitaux en grande partie franco-belges.
Cette fusion est en réalité un cadeau de l'entreprise publique GDF à Suez. Suez a d'ailleurs l'habitude de prospérer grâce à l'argent public. Nationalisé en 1982, le trust a été reprivatisé en 1987, se remplumant au passage puis fusionne avec la Lyonnaise des Eaux, l'une des sociétés qui pompe l'argent public par les biais des concessions publiques sur l'eau. Et l'une des sociétés du groupe, Electrabel, a acheté, à prix bradés, les centrales hydroélectriques de la Compagnie Nationale du Rhône.
Une des raisons qui a retardé la fusion avec GDF, c'est que les actionnaires de Suez réclamaient, compte tenu de l'inégalité des tailles des deux sociétés, une " compensation " en leur faveur de plusieurs milliards d'euros, ce que le gouvernement n'a pas osé leur accorder.
Pour résoudre ce dilemme, les dirigeants de Suez se sont livrés à une comédie : ils se sont officiellement séparés des deux tiers de leur activité " environnement " (l'eau notamment), tout en en gardant le contrôle. Cette opération a aussi l'avantage de permettre à Sarkozy de sauver un peu la face, lui qui avait promis que GDF ne serait pas nationalisé. Avec ce montage financier l'État français conservera en effet un tiers du capital de la nouvelle société GDF-Suez, (contre près de 80 % dans GDF) et donc une minorité de blocage. Mais en quoi cela est-il une garantie pour les consommateurs, on se le demande quand on voit la complaisance du gouvernement envers un groupe comme Suez.
En fait c'est évidemment la direction de Suez, dont le PDG va devenir PDG de GDF-Suez, qui va diriger.
Et qu'en sera-t-il des tarifs du gaz et de l'électricité ? En principe c'est toujours l'État qui fixe les prix, au moins jusqu'en 2010. Mais, on le sait, ni l'État, ni Bruxelles, ni GDF ni EDF ne veulent que cette situation s'éternise. A quoi va s'ajouter la pression des actionnaires de Suez. Alors on peut parier que dans quelques mois ou dans quelques années, les prix vont grimper, sans doute bien plus qu'ils n'ont commencé à le faire depuis quelques années déjà.
Car toute la finalité de l'opération est bien de nourrir les profits de gros capitaux au gros appétit. Le nouveau géant est surtout un superprédateur destiné à se nourrir au détriment des usagers, et des travailleurs qu'il emploie. Ceux de GDF le payeront aussi.