Ligue arabe : Ben Salman maître du jeu24/05/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/05/2860.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ligue arabe : Ben Salman maître du jeu

Le 32e Sommet de la Ligue arabe, qui s’est tenu le 19 mai à Djedda, en Arabie saoudite, a été marqué par le retour sur la scène diplomatique du dirigeant syrien Bachar al-Assad.

Après douze ans de mise à l’écart, Assad a été à nouveau autorisé à siéger aux côtés de la vingtaine de dirigeants regroupés au sein de cette organisation fondée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

La Syrie avait été exclue en novembre 2011 de la Ligue arabe, celle-ci donnant comme prétexte le ­caractère sanglant de la répression menée alors par Assad pour se maintenir au pouvoir. En réalité, aucun des chefs d’États arabes ne se soucie du sort de la population syrienne, à commencer par le plus puissant d’entre eux, Mohammed Ben Salman, prince héritier d’Arabie saoudite. « MBS », comme on le surnomme, est à la tête d’un régime ultra-réactionnaire réprimant férocement ses opposants, qui sont emprisonnés et torturés par centaines. MBS a lui-même été mis à l’index quelque temps par les États occidentaux pour avoir fait enlever, assassiner et découper en morceaux le journaliste saoudien exilé aux États-Unis, Jamal Khashoggi. Depuis 2015, l’Arabie saoudite se livre à une guerre destructrice au Yémen, qui a plongé ce pays dans l’une des plus graves crises humanitaires au monde.

En se prononçant en faveur de l’exclusion de la Syrie, les dirigeants saoudiens s’étaient comportés en alliés fidèles de l’impérialisme américain, et dans la continuité de la politique menée depuis la naissance de l’Arabie saoudite. Ils y avaient vu en même temps une occasion d’affaiblir un État du Moyen-Orient avec lequel ils étaient en rivalité de longue date. Mais depuis quelques années, à l’initiative de MBS, le régime saoudien tente de prendre une certaine distance vis-à-vis des États-Unis, et la réintégration d’Assad constitue l’une des manifestations de ce virage diplomatique.

D’une façon plus spectaculaire encore, défiant doublement les dirigeants américains, le chef de la diplomatie saoudienne s’est rendu à Pékin au mois de mars pour signer un accord de détente avec l’Iran. L’Arabie saoudite espère certainement que l’influence de l’Iran pourra faciliter la conclusion d’un accord de cessez-le-feu durable au Yémen, pour mettre fin à une intervention militaire qui lui coûte de plus en plus cher.

Au-delà de cette préoccupation, l’Arabie saoudite a manifestement l’ambition d’utiliser sa puissance financière pour jouer un rôle indépendant sur la scène internationale. Refusant le ralliement au camp occidental, MBS s’est dit « prêt à mener des efforts de médiation » entre Kiev et Moscou. Ainsi, il y a quelques mois, il a refusé d’augmenter sa production pétrolière pour atténuer la crise énergétique résultant du conflit, comme le lui demandait Washington. Mais, dans le même temps, il a annoncé « une aide humanitaire » de 400 millions de dollars à l’Ukraine. À l’occasion du Sommet de la Ligue arabe, MBS a pu renouveler ce jeu d’équilibriste en invitant Zelensky à faire étape à Djedda lors de son voyage vers le Japon pour le G7.

Alors que les États-Unis redoublent d’efforts et de pressions pour constituer un réseau d’alliances face à la Russie et à la Chine, des États qui en ont les moyens, comme l’Arabie saoudite, voudraient pouvoir jouer leur propre jeu dans l’affrontement qui se prépare… ou se mettre en position de vendre leur soutien au plus offrant.

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