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Mayotte : destruction autorisée, Darmanin jubile
Lundi 22 mai, à Mayotte, les pelleteuses entraient en action pour démolir le bidonville Talus 2, sous bonne garde de forces de police déployées comme sur un terrain de guerre.
Au même moment, le ministre de l’Intérieur, Darmanin, revendiquait cette action en déclarant : « Le volontarisme politique paye : nous continuons la destruction des bidonvilles, dans lesquels habitaient de nombreuses familles dans des conditions indignes, en proposant des relogements. » Mais de quels relogements parlait-il ? Un père tentait de conserver un peu de tôle pour se mettre à l’abri, car le prétendu relogement de cette famille, parfaitement en règle, est proposé à l’autre extrémité de l’île : « Les enfants ne peuvent pas être changés d’école à deux mois des vacances. Je préfère qu’on reste ici, que les enfants continuent d’aller à l’école. On peut dormir sur la terrasse », disait-il.
Les services de l’État ont dénombré 162 cases à démolir dans ce bidonville, a précisé le préfet Thierry Suquet : « On peut considérer aujourd’hui que la moitié des familles qui vivaient dans ce quartier ont été relogées », a-t-il assuré. Même si c’était vrai, que devient donc l’autre moitié ?
La vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme, Marie-Christine Vergiat, soulignait le problème : « La première chose, quand on veut lutter contre l’insalubrité, quand on est dans une situation de misère comme celle de Mayotte, c’est de construire des logements. Et moi je ne comprends toujours pas pourquoi on mélange la question de l’insalubrité de l’habitat, la question de la délinquance et la question de l’immigration irrégulière. »
En effet, le dénuement dans lequel est plongée la population de Mayotte est le fruit d’une longue histoire, dont les seuls responsables sont l’administration française et les gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé. Il y a aussi la question de l’eau, nécessitant des mesures comme des retenues collinaires, qui a été laissée en déshérence depuis des décennies, imposant à la population des tours d’eau (coupures) la moitié de l’année. Sur décision de la préfecture, il a été décidé un troisième tour d’eau nocturne à partir du lundi 22 mai. Le mois suivant, les coupures passeront même à quatre par semaine. « Tout le monde ne peut pas rentrer avant 17 heures, et partir avant 7 heures du matin », dit une mère de famille. Quant aux écoles qui ne pourront pas compter sur leur point d’eau, ce sont les communes qui devront demander aux familles de fournir une simple bouteille d’eau aux élèves, alors qu’un pack de six bouteilles de 1,5 litre se paye entre 4 et 7 euros pour les marques les moins chères.
Face à cette incurie, on ne sait si les propos du préfet remerciant la population de participer à l’effort collectif relèvent du cynisme, de la crainte d’une flambée de colère, ou des deux.
C’est aujourd’hui l’ambitieux Darmanin qui aiguise ses crocs sur Mayotte. C’est un banc d’essai pour le compte de la bourgeoisie française : affûtage des manœuvres policières et administratives, enrégimentement de l’opinion, éclatement des solidarités parmi les exploités. L’appareil d’État a un arsenal prêt pour la guerre contre tous les pauvres et les travailleurs et il le teste à Mayotte.