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Iran : la tête change, pénuries et corruption demeurent
Vendredi 18 juin, Ebrahim Raïssi, candidat ultraconservateur , a été élu président de la République islamique d’Iran pour succéder au « réformateur » Hassan Rohani, en poste depuis huit ans.
Comme dans tous les pays, y compris les prétendues démocraties occidentales, les élections ne sont qu’un reflet déformé de l’opinion de la population. Avec 62 % des suffrages exprimés pour un taux d’abstention de 51 %, Raïssi a obtenu le même nombre de voix qu’en 2017, où il avait été battu. Cette année, le Conseil des gardiens de la Constitution avait écarté la majorité des candidatures, dont les plus connues du camp dit réformateur. Avant de mobiliser les électeurs conservateurs qui soutiennent le régime issu de la révolution de 1979, soit 17 millions sur 59 millions d’inscrits, Raïssi a d’abord été choisi par le guide suprême des ayatollahs, Ali Khamenei, dont il pourrait être le successeur.
Actuel chef du pouvoir judiciaire, Raïssi a supervisé la répression des manifestants contre la vie chère en novembre 2019, ou celle de divers opposants traqués jusqu’à l’étranger. Il a aussi participé en 1988, alors jeune juge, aux exécutions massives des militants ouvriers et de gauche emprisonnés dans les geôles iraniennes après avoir soutenu l’instauration de la république islamique. Le terme d’ultraconservateur, voire de réactionnaire, lui convient certes très bien.
Mais les termes de réformateurs, conservateurs, ultraconservateurs, utilisés par les médias, sont trompeurs. Plus que des divergences politiques ou idéologiques, ce qui sépare ces différentes cliques est leur rivalité pour accéder au pouvoir et donc à la mangeoire. Ainsi Ali Larijani, le principal « réformateur » écarté des élections, appartient à une riche famille de notables. Président de l’Assemblée nationale jusqu’à l’an dernier, il a longtemps été un conservateur proche de Khamenei. Sa disgrâce l’a transformé en réformateur...
Rohani est salué par les Occidentaux pour avoir signé en 2015 avec les grandes puissances l’accord sur le contrôle du nucléaire iranien, dénoncé par Trump en 2018. Mais le même Rohani a inauguré son deuxième mandat, durant l’hiver 2017-2018, en réprimant férocement les révoltes populaires contre la cherté de la vie, les pénuries, le vol de l’eau des paysans ou celui des économies des gens modestes par des banquiers véreux, et plus généralement en protestation contre la corruption qui sévit partout dans le pays.
Quant à l’accord sur le nucléaire, il n’aurait pas pu être signé sans l’aval de l’ayatollah Khamenei, et Raïssi a promis durant sa campagne de tout faire pour le réactiver. L’enjeu pour les dirigeants iraniens, quelle que soit leur étiquette, est de pouvoir exporter de nouveau du pétrole en accédant au marché mondial. À ce jour, Biden a remplacé Trump, mais les États-Unis multiplient les exigences pour revenir dans l’accord et maintiennent un sévère embargo, dont sont victimes en premier lieu les classes populaires iraniennes. Cet embargo s’ajoute à la corruption générale, et aux conséquences de la pandémie de Covid, pour provoquer des pénuries de toutes les denrées importées, y compris les médicaments et les vaccins, et une flambée de tous les prix.
L’abstention massive, notamment parmi les classes populaires, s’explique au moins autant par ces difficultés permanentes que par l’absence de candidats susceptibles de concurrencer celui du guide suprême.