De Tchernobyl à Fukushima : le même mépris des populations27/04/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/04/2491.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

De Tchernobyl à Fukushima : le même mépris des populations

Trente ans après l’explosion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, à la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie, une vaste zone radioactive reste inhabitable. Des milliers d’hectares de terres agricoles sont inutilisables et des millions d’habitants continuent de subir quotidiennement les conséquences de cette catastrophe.

À Tchernobyl en 1986, les autorités de ce qui était encore l’Union soviétique, sous l’égide de Gorbatchev, ont menti sur la gravité de l’accident, tardant à évacuer des dizaines de milliers d’habitants irrémédiablement contaminés. Peu soucieux d’épargner des vies humaines, les bureaucrates ont envoyé sans protection des milliers de pompiers dans la zone contaminée, même si beaucoup étaient volontaires, en toute conscience, pour empêcher une catastrophe pire encore. Entre 600 000 et 900 000 « liquidateurs » les suivront, pour nettoyer la zone et construire, dans des conditions dantesques, un sarcophage au-dessus du cœur nucléaire fondu. Un nombre inconnu de ces liquidateurs, plusieurs dizaines de milliers, mourront ou tomberont gravement malades dans les mois et les années suivants. Avec l’éclatement de l’Union soviétique et la brutale régression économique qui s’ensuivit, la plupart des liquidateurs et des habitants évacués ont perdu pensions et indemnités.

Mais le cynisme et l’opacité n’ont pas été l’apanage des bureaucrates soviétiques. Au même moment, les autorités de plusieurs pays européens, et spécialement en France, mentaient sur les effets du nuage radioactif échappé de Tchernobyl, minimisant les retombées de césium 137 dans les Alpes. Trente ans plus tard, certaines zones présentent encore un taux de radioactivité deux fois plus élevé que la normale.

Il y a cinq ans, à Fukushima, les autorités japonaises allaient mentir à leur tour, pendant et après l’accident, pour couvrir les responsabilités écrasantes de la société privée Tepco, pour limiter les zones à évacuer puis accélérer le retour des habitants et réduire les indemnités à verser aux victimes.

L’Agence internationale de l’énergie atomique, liée aux industriels de la filière nucléaire, a chapeauté les études sanitaires menées après les accidents de Tchernobyl puis de Fukushima. L’agence européenne Euratom s’est appuyée sur ces résultats, qui minimisent systématiquement les risques, pour fixer les seuils maximum légaux à partir desquels la population, enfants compris, est autorisée à vivre. Alors que le seuil de radioactivité acceptable est normalement de 1 millisievert par an, il passe à 20 millisieverts après un accident nucléaire ! Le niveau de contamination autorisé dans les aliments a été lui aussi relevé. L’objectif est de justifier le maintien ou la réinstallation de la population dans des zones contaminées.

En France, le plan d’économies annoncées par EDF sous prétexte de difficultés financières et les restructurations en cours chez Areva inquiètent le directeur de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui déclarait le 25 avril au journal Le Monde : « Il est essentiel que les opérateurs maintiennent les compétences humaines et les investissements nécessaires à la sûreté. » Visiblement il en doute ! Quant à l’ASN, il lui manque quelque 150 agents pour faire son travail de contrôle ce qui, selon son directeur, « nous contraint à arbitrer entre nos priorités, en privilégiant les installations en activité par rapport à celles en construction ». Nous voilà rassurés...

Économies sur la sûreté, normes adaptées aux exigences des industriels, rapports cachés ou édulcorés, plus que le nucléaire, c’est le secret industriel, l’absence de transparence et la recherche du profit qui menacent l’humanité.

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