Tunisie : La voix des travailleurs continue de se faire entendre09/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/03/une-2223.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Dans le monde

Tunisie : La voix des travailleurs continue de se faire entendre

En Tunisie, le troisième gouvernement provisoire a été annoncé le 7 mars par le Premier ministre par intérim, Caïd Essebsi. Selon ses déclarations, tous les anciens ministres ayant appartenu au parti RCD de Ben Ali en ont démissionné, ainsi que les deux ministres têtes de file de l'ex-opposition officielle : Ibrahim de l'Ettajdid, ex-parti communiste, et Chebbi.

La nouvelle mouture ne serait composée que de technocrates dont la feuille de route serait le rétablissement de la sécurité, c'est-à-dire du bon fonctionnement des activités dans le pays, et celui de l'économie. La police politique et la direction de la sûreté de l'État, hauts lieux d'organisation de la dictature, ont été supprimées par décret gouvernemental, même si cela ne met certainement pas fin aux activités de leurs hommes.

À la suite de ces annonces, le sit-in permanent qui se tenait place de la Kasbah à Tunis a été levé. Mais rien n'est encore réglé quant aux revendications de la majorité pauvre de la population tunisienne.

Dans le bassin minier de Gafsa, où ont pris naissance les mouvements sociaux en janvier 2008, les sit-in qui duraient depuis six semaines auraient pris fin le 5 mars à Metlaoui et Le-M'dhila. Selon une agence de presse tunisienne, cela ferait suite à l'annonce par la Compagnie des phosphates de Gafsa de trois mille embauches en son sein, auxquelles s'en ajouteraient 1 400 autres dans les sociétés spécialisées dans l'environnement et le boisement du bassin minier. En d'autres endroits, les manifestants continueraient cependant de bloquer le transport du phosphate. Aux dires d'un directeur du complexe minier, les manifestants réclament 17 000 embauches destinées à faire vivre 17 000 familles sans ressources, vivant dans le bassin minier. « À leurs yeux, remarque benoîtement le directeur, faisant allusion au développement des mouvements sociaux à la suite des révoltes de Gafsa, ces emplois leur sont dus ».

Et comment ! De même qu'ils sont dus à tous les travailleurs précaires qui exigent enfin d'être embauchés, comme ceux de l'hôtel Africa, au centre de Tunis, qui occupent les lieux, selon l'envoyée spéciale du quotidien économique Les Échos. À l'instar de nombreux employés dans d'autres hôtels, ils demandent la titularisation de 60 personnes en contrat précaire depuis des années. « On n'a rien dit pendant cinquante ans, dit un des grévistes, travaillant au room service. C'est maintenant l'occasion ou jamais de parler. » Des employés de Tunisie Télécom sont eux aussi en mouvement, depuis trois semaines, contractuels et embauchés, attendant, comme le PDG s'y était engagé sous la pression le départ de quelques dizaines de proches de l'ancien régime.

Ailleurs, salaires et conditions de travail sont à l'ordre du jour. Des patrons, d'entreprises tunisiennes ou françaises, s'inquiètent d'avoir à tenir compte, s'ils veulent voir leurs affaires reprendre, des revendications des travailleurs. « On a vu des demandes extravagantes d'augmentation de plus de 200 dinars pour des salaires de 250 dinars » - 125 euros -, s'indigne « un proche des milieux d'affaires français ». Quant au directeur de l'Observatoire d'études géopolitiques, toujours cité par Les Échos, il constate la poursuite de la mobilisation ouvrière et assure craindre la désaffection des « investisseurs ». D'après lui, « le chaos menace en Tunisie. Des soviets se mettent en place dans les usines !»

La dictature permettait à tous ces capitalistes d'exploiter sans vergogne, directement ou indirectement, des centaines de milliers de travailleurs qualifiés ou non, et payés avec des salaires indécents. Que les travailleurs et les chômeurs mettent en avant leurs revendications propres, c'est la moindre des choses. Pour satisfaire celles-ci, cependant, ils devront, et ils le savent visiblement, ne faire confiance qu'à eux-mêmes et à leur mobilisation. Et tant que celle-ci se maintient, le patronat et ses défenseurs peuvent avoir des raisons de continuer à s'inquiéter.

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