- Accueil
- Lutte ouvrière n°2097
- Dexia : L'odyssée d'une banque d'État privatisée
Leur société
Dexia : L'odyssée d'une banque d'État privatisée
La banque Dexia continue à être dans la tourmente. Après avoir vu son capital renfloué de 6, 4 milliards d'euros par les États français, belge et luxembourgeois, son nom est à nouveau cité dans les retombées de la quasi-faillite de la banque allemande de crédits hypothécaires HRE.
À ceux qui affirment qu'il y aurait d'un côté des financiers qui spéculent de façon irresponsable, et de l'autre des organismes financiers qui jouent un rôle essentiel et utile dans l'économie, l'exemple de Dexia confirme qu'en réalité une telle séparation relève de la fiction.
Dexia est un établissement spécialisé dans le financement - réputé peu risqué - des collectivités locales. Cette banque est issue pour une part de la Caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales (CAECL) qui était gérée par la Caisse des Dépôts, un des bras financiers de l'État. La CAECL était un établissement public, comme l'est encore aujourd'hui La Poste.
Pierre Richard, qui présidait jusqu'à tout récemment Dexia Crédit local, est un ancien haut fonctionnaire. Après avoir fréquenté les cabinets ministériels, il fut nommé directeur des collectivités locales au ministère de l'Intérieur en 1978 et s'impliqua dans la préparation des lois de décentralisation de 1982 et 1983.
À la suite de ces lois, le budget des communes, des départements et des régions a considérablement augmenté, et donc également leurs besoins d'emprunt. Accorder des crédits aux collectivités locales s'est avéré profitable, d'autant que celles-ci ont continué à aménager les espaces urbains, à construire des écoles, des équipements sportifs, des bibliothèques, etc., dans une époque où le secteur privé avait pratiquement cessé d'investir.
Le capital privé allait donc s'intéresser au financement des collectivités locales. La CAECL est devenue le Crédit local de France en 1987. Sa privatisation a été lancée en 1993 et son président, Pierre Richard, en est alors devenu le PDG. Elle a fusionné avec le Crédit communal de Belgique en 1996, pour donner naissance à Dexia.
Puis, l'augmentation des profits tirés des finances locales en France a conduit la banque à rechercher de nouvelles opportunités : rachat d'établissements financiers, octroi de prêts et de garanties d'emprunts aux collectivités locales à travers le monde. Aux États-Unis, le Financial Security Assurance (FSA) devenu filiale de Dexia a, par exemple, apporté sa garantie à des créances immobilières de type « subprime ». Pour le déploiement de ses activités, Dexia a pu s'appuyer sur son excellente notation, liée au soutien des pouvoirs publics français toujours présents au capital par le biais de la Caisse des Dépôts et de la Caisse nationale de prévoyance.
Le résultat a été mirifique au point de vue de ses actionnaires : son chiffre d'affaires et sa capitalisation boursière ont explosé, jusqu'au début de cette année.
Jusqu'à ce que la bulle éclate et que les gouvernements de trois pays se portent en urgence au secours de la banque et, du même coup, au secours de ses principaux actionnaires.