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- Lutte ouvrière n°2097
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Editorial
«Moraliser la finance» commencerait par l'expropriation des responsables de la crise
Bien que le mot écorche la bouche des ministres, ils sont obligés de parler de récession. Même d'après les statistiques officielles mensongères, pour le deuxième trimestre, la production recule. Ce qui signifie déjà des licenciements, des suppressions d'emplois supplémentaires, d'autant que nombre de grandes entreprises, celles de l'automobile en particulier, anticipent que leurs ventes iront en diminuant et elles mettent des travailleurs à la porte à titre préventif. Et plus il y a de licenciements, plus il y a de chômeurs, plus la consommation continuera à diminuer. C'est toute leur économie basée sur les lois du marché qui se retrouve sur la pente savonneuse.
Il n'y a pas d'illusions à se faire : la crise n'est pas finie. Plus personne n'ose prétendre que la crise financière partie des États-Unis restera sagement de l'autre côté de l'Atlantique. Chaque jour on nous annonce désormais qu'une nouvelle banque, cette fois-ci européenne, est menacée de faillite. Et en même temps on nous annonce les sommes fantastiques que les États européens alignent pour les sauver.
Sarkozy, s'agitant comme d'habitude sans que cela atténue la tempête financière, a réuni samedi dernier les dirigeants des quatre pays les plus riches de l'Union européenne pour élaborer un plan de sauvetage commun. Les dirigeants d'Allemagne, de Grande-Bretagne, de France et d'Italie se sont en effet mis d'accord sur... le chacun pour soi et tous pour leurs propres capitalistes !
Comme par miracle, chacun des gouvernements trouve des dizaines de milliards à mettre sur la table pour sauver telle ou telle banque. Le gouvernement allemand a sorti 50 milliards d'euros rien que pour dépanner une seule banque. La Grande-Bretagne vient de sortir 250 milliards de livres ! Quelques jours auparavant, le gouvernement français, dont le chef assurait il y a peu que les caisses sont vides, a trouvé le moyen, en association avec le gouvernement belge, de débourser 6,4 milliards pour renflouer Dexia !
Les gouvernements nous serinent depuis des années, ici, en France, que le déficit de la Sécurité sociale, estimé ces temps-ci à 9 milliards d'euros, serait catastrophique. Et c'est pour éviter cette prétendue catastrophe qu'ils ont imposé les franchises médicales, la diminution des remboursements et toutes les mesures qui empêchent les classes populaires de se soigner convenablement. Mais, pour racheter la seule banque Dexia, pour dédouaner généreusement ses actionnaires, ils ont trouvé en 24 heures de quoi combler les deux tiers du déficit de la Sécu.
Et des États-Unis aux pays européens, se mène une seule et même politique de classe, d'un cynisme écoeurant, qui consiste à distribuer des sommes, qui se chiffrent en dizaines et en centaines de milliards, aux banques, aux entreprises capitalistes, aux spéculateurs, que l'on fera payer à toute la population.
Cela n'arrête même pas la crise. Le système bancaire tremble sur ses bases. Le krach de la Bourse n'est plus une menace mais un fait. Les places boursières se suivent dans la chute au fil du décalage horaire. Les injections d'argent des États pour sauver les institutions financières facilitent seulement le rachat des banques les unes par les autres. C'est ainsi que l'argent public dépensé pour sauver la banque Fortis la semaine dernière a servi cette semaine à faciliter le rachat de cette banque par BNP Paribas. Pendant que l'économie mondiale tremble, les plus forts des requins de la finance avalent de plus faibles avant d'être, peut-être, croqués à leur tour...
Même si la crise bancaire ne s'aggrave pas davantage, elle aura conduit à une redistribution des cartes entre les institutions financières les plus puissantes, à une concentration plus grande encore, en laissant derrière la crise un champ de ruines, des entreprises fermées, des travailleurs jetés à la rue, des masses populaires poussées vers la pauvreté.
Devant l'ampleur de la débâcle, les dirigeants des États en appellent tous à la moralisation de la finance, à son contrôle, tout en arrosant les financiers spéculateurs, responsables de la crise.
La seule réponse à la crise financière qui serait dans l'intérêt de la population n'est certainement pas de renflouer les financiers avec l'argent de leurs victimes. Ce serait d'exproprier toutes les banques pour les réunir en une seule et la soumettre en effet au contrôle ; pas celui d'autres financiers et de leurs compères, mais celui de leurs salariés, de leurs petits usagers et de toute la population.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 6 octobre