Jeux Olympiques : instrument de la politique occidentale07/08/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/08/P4-1_Lors_de_la_c%C3%A9r%C3%A9monie_douverture_des_JO_de_Berlin_en_1933_C_Hermann_Baumann.jpg.420x236_q85_box-0%2C117%2C1721%2C1084_crop_detail.jpg

Leur société

Jeux Olympiques : instrument de la politique occidentale

Bien loin de la « fête universelle du sport » ou du « grand moment de communion » que vantent les commentateurs, les Jeux Olympiques et le Comité international olympique (CIO) sont liés, depuis l’origine, à la politique des grandes puissances occidentales.

Illustration - instrument de la politique occidentale

Le mouvement olympique, qui émergea à la fin du 19e siècle, était marqué par l’esprit de l’amateurisme aristocratique. Pour son fondateur, le baron Pierre de Coubertin, inspiré par le rôle joué par le sport dans l’éducation des aristocrates anglais, il était destiné à former les corps sains des élites. « L’athlète moderne […] exalte sa race, sa patrie et son drapeau », expliquait l’initiateur des premiers Jeux modernes, organisés à Athènes en 1896. Il était alors impossible pour un athlète de participer autrement que sous l’étendard d’une nation, et les cérémonies qui se mirent en place, du défilé des délégations à la remise des médailles au son des hymnes nationaux, étaient délibérément nationalistes. La France et la Grande-Bretagne, grandes puissances coloniales, contrôlaient alors le CIO. Après la Première Guerre mondiale, aux Jeux de 1920 à Anvers, les pays vaincus (Allemagne, Autriche, Turquie, Hongrie…) ne furent pas invités.

Les jeux modernes, bien réactionnaires

Le mouvement olympique a bien d’autres aspects réactionnaires : Coubertin était hostile aux « olympiades femelles, inintéressantes, inesthétiques et incorrectes » et, si le CIO se targue aujourd’hui d’atteindre la parité, les Jeux n’ont accueilli les femmes qu’à reculons (10 % de femmes en 1928, 20 % en 1976). Comme de nombreux aristocrates et bourgeois de son époque, Coubertin était également raciste et antisémite, expliquant à l’époque de l’affaire Dreyfus : « La haute finance israélite a pris à Paris une influence beaucoup trop forte pour ne pas être dangereuse et elle a amené, par l’absence de scrupule qui la caractérise, un abaissement du sens moral et une diffusion de pratiques corrompues. » Enfin, dès le début, les Jeux furent des manifestations commerciales ; les Jeux de Paris en 1900, de Saint-Louis en 1904 et de Londres en 1908 furent d’ailleurs organisés en marge des grandes foires qu’étaient les expositions universelles.

Les organisations ouvrières face au CIO

Dans les années 1920 et 1930, le sport se diffusa dans la classe ouvrière, où le mouvement olympique était contesté. Organisations socialistes et communistes constituèrent des clubs de sport, et même des Internationales sportives, qui organisaient des Olympiades ouvrières et des Spartakiades. Les hymnes nationaux y étaient remplacés par L’Internationale, et le seul étendard était le drapeau rouge. La jeune Union soviétique refusa de participer aux JO.

Lorsque les nazis parvinrent au pouvoir en 1933, une intense campagne eut lieu dans plusieurs pays pour le boycott des Jeux prévus en 1936 à Berlin. Les comités olympiques se mobilisèrent contre tout boycott, et le CIO collabora pleinement avec le régime nazi, qui utilisa les Jeux pour une formidable opération de propagande… avec les félicitations de Coubertin.

Quant au sport ouvrier, il ne se releva pas du nazisme, du fascisme et de la Seconde Guerre mondiale. En 1951, l’URSS rejoignit le CIO, et les olympiades ouvrières et les spartakiades disparurent.

En 1948, l’Allemagne et le Japon furent exclus des Jeux de Londres par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Au cours de la vague de décolonisation, de nouveaux États se constituaient et rejoignaient le CIO, tentant d’utiliser les Jeux comme une arène pour s’affirmer. Ainsi, en 1960, à Rome, l’Éthiopien Abebe Bikila remporta le marathon sous l’Arc de Constantin, à l’endroit même où, en 1935, Mussolini avait salué le départ des troupes italiennes pour la colonisation de l’Éthiopie, au prix d’une guerre terrible qui fit peut-être 500 000 morts. L’Éthiopie, et à travers elle toute l’Afrique, obtenait ainsi une revanche symbolique.

Par la suite, plusieurs États de pays pauvres ont consacré de gros moyens aux activités sportives, pour offrir ainsi à leur peuple une revanche symbolique sur les grandes puissances. Leur participation contribuait aussi à renforcer la popularité des Jeux : de 46 pays participants en 1936, leur nombre est passé à 112 en 1972, et à 206 aujourd’hui, leur assurant une diffusion planétaire.

Les Jeux restent dominés par des individus et des institutions émanant des grandes puissances. Si des athlètes issus des pays pauvres peuvent concourir, la contestation politique est interdite. Par exemple, à Mexico en 1968, les sprinteurs noirs américains Tommie Smith et John Carlos, premier et troisième du 200 mètres, brandirent un poing ganté de noir pendant l’hymne américain, utilisant le podium, non pour célébrer leur État, comme le prévoit le protocole, mais pour dénoncer le sort qu’il réserve aux Noirs. Dès le lendemain, le CIO les expulsa du village olympique. Insultes, menaces de mort, attaques contre leurs familles, annulation de leurs contrats et des promesses d’emplois, traque du FBI... la bourgeoisie américaine leur fit chèrement payer leur geste. Les vainqueurs du 400 mètres en 1972, les Noirs américains Vincent Matthews et Wayne Collett, qui refusèrent de regarder le drapeau américain et restèrent à bavarder ostensiblement sur le podium, furent également exclus à vie par le CIO.

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, les JO cherchent à rendre leur image plus consensuelle. Mais les équipes de Russie et de Biélorussie ont été exclues pour des raisons évidentes : l’Occident est de fait en guerre contre ces deux pays. Le CIO a en revanche refusé toute sanction contre les équipes d’Israël, alors que son armée massacre les Palestiniens.

Même pendant leurs pires guerres coloniales, en Indochine, en Algérie au Kenya, ni la France ni le Royaume-Uni ne furent écartés des JO, pas plus que les États-Unis pendant la guerre du Vietnam ou pendant celle d’Irak. Les dictatures soutenues par l’impérialisme ont également toujours été les bienvenues aux JO, et en 1968 le Mexique a même accueilli les Jeux deux semaines après un massacre de manifestants par sa police. Les JO ne sont pas en dehors de la politique ; les valeurs qu’ils célèbrent sont celles de la société capitaliste, et ce sont les puissances dominantes qui en fixent les règles.

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