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- Lutte ouvrière n°2743
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Dans le monde
Italie : un gouvernement d’union sacrée contre les travailleurs
Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, a obtenu la confiance d’une majorité écrasante de députés pour former le nouveau gouvernement italien. Au nom de l’union sacrée nécessaire pour sauver le pays de la ruine, quasiment tous les partis, de l’extrême droite à la gauche, en feront partie.
Les coalitions gouvernementales constituées en associant des partis qui se déclaraient ennemis jurés la veille ne sont pas une nouveauté : c’était même la marque de fabrique des gouvernements précédents, conduits par Giuseppe Conte. Le Mouvement 5 étoiles (M5S) avait d’abord été associé à la Ligue d’extrême droite de Salvini dans la version Conte 1, puis au Parti démocrate (PD), le parti de centre-gauche, dans la version Conte 2.
Fratelli d’Italia, le parti d’extrême droite de Giorgia Meloni, est pratiquement le seul parti à avoir refusé de s’y associer, promettant cependant une opposition constructive. À gauche, seule Sinistra italiana, regroupement où a conflué Rifondazione comunista, petite formation survivante du défunt Parti communiste italien, refuse de soutenir le gouvernement Draghi. Cependant, la coalition LeU (Liberi e Uguali) à laquelle elle appartient s’est rangée derrière celui-ci.
L’empressement de tous les partis à se ranger derrière Draghi n’est pas dû à l’éclat de sa personne, mais aux exigences de la bourgeoisie italienne qu’il incarne. Les objectifs des industriels et des banquiers sont clairs : il s’agit de ne pas passer à côté des milliards promis par l’Union européenne dans le cadre du plan de relance de l’économie, et de ne pas en perdre une miette dans le financement d’amortisseurs sociaux considérés comme superflus, aussi faibles soient-ils, comme le revenu de citoyenneté. Draghi incarne à merveille les réformes et la modernisation nécessaires à la bourgeoisie italienne.
Quelques contorsions ont été nécessaires pour justifier l’abandon des mots d’ordre et des déclarations solennelles qui tenaient lieu de programme à tous ces partis. À quelques variations près, tous ont entonné le même refrain, affirmant qu’ils ne peuvent se détourner lorsque la patrie en danger les appelle au secours, suivi d’un couplet expliquant que les intérêts partisans, les intérêts des partis, doivent passer derrière les intérêts des Italiens.
Chacun a ensuite décliné ses arguments, suivant la pilule qu’il doit faire avaler à ses partisans et électeurs. Du côté de l’extrême droite de Salvini par exemple, il fallait justifier d’accorder la confiance à un dirigeant des institutions européennes, alors qu’une partie du fonds de commerce électoral de la Ligue s’est basé sur l’opposition à l’Union européenne et à l’euro. Salvini a donc assuré que la participation de la Ligue au gouvernement était une assurance : « Si l’UE se trompe ou nous trompe, nous saurons le voir et le dire. »
Le Parti démocrate de centre-gauche et LeU affirment quant à eux que leur présence « est la seule façon d’assurer que ce gouvernement conservera une préoccupation sociale et ne sera pas trop tiré vers la droite ». Quant au M5S, dont les partisans ont déjà dû avaler les coalitions gouvernementales précédentes, il risque d’y perdre encore quelques plumes, mais fait la démonstration que « faire de la politique autrement », comme il l’avait promis, se résume manifestement à avoir l’échine encore plus souple que les autres.
L’unanimité des partis de toutes tendances à se ranger derrière Draghi illustre la servilité de ce monde politique. L’esprit de responsabilité qu’ils invoquent est tourné vers les intérêts de la bourgeoisie qu’ils servent. Face aux attaques que ce gouvernement d’unité au-dessus des partis leur promet, les travailleurs devront se défendre avec leurs propres forces.