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Nouvelle-Calédonie : les indépendantistes au gouvernement
Après qu’ils ont démissionné du gouvernement le 2 février, pour bloquer le processus de vente de l’usine de nickel Vale à un trust suisse, les indépendantistes de Nouvelle-Calédonie ont obtenu mercredi 17 février la majorité au gouvernement, pour la première fois depuis quarante ans.
Les institutions actuelles de Nouvelle-Calédonie – trois provinces, un Congrès de 54 membres, qui élisent un gouvernement de onze ministres, qui nomment à leur tour un président, datent des accords de Nouméa de 1998. Ceux-ci furent négociés avec les partis caldoches et les partis kanaks après la révolte anticoloniale des années 1980 et le massacre en 1988 de 19 militants indépendantistes par l’armée française. Il s’agissait alors pour l’impérialisme français de gagner du temps en tentant d’associer la petite bourgeoisie kanake et les courants nationalistes, en leur réservant des places dans les entreprises et dans les institutions de l’archipel.
Jusque-là, le gouvernement était présidé par les « loyalistes », les courants anti-indépendantistes proches de la bourgeoisie caldoche. Mais, depuis le 2 février, les indépendantistes ont obtenu le ralliement de l’Éveil océanien, un petit parti représentant les minorités venues des îles du Pacifique, ce qui leur a donné la majorité au Congrès et au gouvernement. Cependant, divisés, les indépendantistes ne sont pas arrivés à ce jour à élire un président. L’UNI, l’Union nationale pour l’indépendance, qui prône la concertation et le consensus avec l’État français et les anti-indépendantistes, a obtenu trois postes au gouvernement, tandis que l’Union calédonienne (UC) – FLNKS, qui met en avant un État indépendant mais associé avec la France à la façon de Monaco, a obtenu le même nombre de ministres.
Les deux courants ont présenté chacun un candidat à la présidence, à l’image de la politique qu’ils mènent. Samuel Hnepeune, patron d’Air Calédonie, s’est retiré de la présidence du Medef local pour être le candidat de l’UC-FLNKS. Récemment, il s’est désolidarisé des mobilisations kanaks contre la vente de l’usine Sud au suisse Trafigura. Quant au candidat de l’UNI, Louis Mapou, il symbolise lui-aussi cette petite frange de Kanaks qui s’est progressivement intégrée au capitalisme local. Il fut dirigeant de Koniambo Nickel, l’usine contrôlée par la province Nord et le trust suisse Glencore. Il est toujours membre du conseil d’administration d’Eramet, la maison-mère de la Société Le Nickel, principal exploitant du minerai dans l’archipel.
De leur côté, les partis caldoches, face aux progrès du camp indépendantiste, dénoncent maintenant les accords de Nouméa. Certains disent vouloir se retrancher dans la province qu’ils contrôlent, celle de Nouméa la riche.
Cette crise politique survient dans un contexte où, en Nouvelle-Calédonie, un sixième de la richesse produite chaque année sort de l’archipel pour grossir les fortunes de bourgeois français ou autres. Dans le même temps, 17 % de la population, 53 000 personnes, la plupart kanaks, vivent sous le seuil de pauvreté. Il y a une urgence sociale pour les travailleurs et les pauvres de l’archipel, que l’acquisition d’une indépendance formelle ne suffirait pas à résoudre : il leur faudra lutter de façon indépendante pour leurs propres intérêts.