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Leur société
Prix alimentaires : la grande distribution fait la loi
Depuis quelques semaines, les actions des agriculteurs contre les grandes chaînes de distribution se multiplient dans différentes régions. Le 9 février, 150 agriculteurs ont bloqué les grandes surfaces du Puy-en-Velay, dans la Haute-Loire. Le 22 février, des agriculteurs ont déposé de la paille et des pneus devant des grandes surfaces et devant un abattoir dans l’Oise.
Les négociations très serrées des exploitants agricoles avec les industriels et la grande distribution sont en cause. D’ici au 1er mars, tous les contrats fixant les tarifs auxquels les centrales d’achat des distributeurs s’approvisionnent doivent prendre fin. Les agriculteurs et les industriels font face à une hausse des cours des matières premières agricoles et des produits indispensables au conditionnement et au transport des marchandises alimentaires. De leur côté, les distributeurs cherchent à baisser au maximum les prix.
Après l’instauration d’une liberté tarifaire entre fournisseurs et distributeurs en 2009, pour favoriser la concurrence et baisser les prix alimentaires, la loi Egalim en application depuis 2019 devait en corriger les effets catastrophiques pour les paysans, en permettant de fixer les prix à partir du coût de production, en limitant les promotions et en relevant le seuil de vente à perte.
Mais, avec ou sans cette loi, les prix dépendent du rapport de force que peuvent instaurer les différents protagonistes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : il y a 450 000 exploitations agricoles, 17 000 entreprises agroalimentaires, dont 40 % seulement achètent la moitié de la production agricole, et quatre centrales d’achat qui sont au cœur des négociations. La plus grande d’entre elles, Envergure, représente 35 % du marché français de la distribution. Elle unifie Carrefour, System U, Cora et Match depuis 2018. Et la grande distribution a durci ses exigences quant aux prix d’achat.
Les PME aux abois ont souvent déjà signé des accords pour ne pas prendre le risque de voir leurs produits rejetés. Du côté des agriculteurs, certains peuvent sauver un peu leur situation. Par exemple, ceux qui travaillent pour Bonduelle ont obtenu une augmentation des prix des légumes qu’ils fournissent, parce que Bonduelle pouvait craindre d’en manquer pour alimenter ses usines.
Carrefour et System U ont informé de la signature d’accords avec les géants du lait, Sodiaal, Yoplait, Lactalis, Nestlé et autres, afin de montrer leur bonne volonté quant au prix du lait, en principe revalorisé depuis trois ans. Mais il est bien difficile de savoir quels sont les éleveurs qui en profitent, dans quelle mesure les coopératives et les industriels reversent cette augmentation, et quelle est la marge faite par les uns ou les autres sur les produits laitiers tels que le fromage.
Ainsi, en particulier vis-à-vis du producteur et du consommateur, il n’y a aucune transparence sur les prix et sur la façon dont ils sont élaborés. D’autant que beaucoup de ces prix dépendent des cours mondiaux et de la spéculation, qui amplifie les effets des mauvaises récoltes ou de la hausse de la demande.
« Pour permettre à nos agriculteurs de vivre convenablement, il nous faut sortir de la spirale de destruction de valeurs et passer d’une guerre des prix à une transparence des marges », a déclaré le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Cette transparence existe probablement entre les géants du secteur, mais ils ne sont pas prêts justement à partager ce qu’ils savent. Le secret des affaires est un outil bien trop utile à la guerre économique.
En l’absence de Salon de l’agriculture cette année, Macron était en visite mardi 23 février dans une exploitation de Bourgogne. Ses recommandations ou menaces de sanctions adressées aux acteurs des différentes filières ne pèseront probablement pas lourd dans les décisions des uns et des autres.