Algérie : deux ans après, le Hirak est toujours là24/02/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/02/2743.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : deux ans après, le Hirak est toujours là

Les manifestations à Kherrata le 16 février et le 22 février dans les grandes villes d’Algérie, marquant le deuxième anniversaire du Hirak, le mouvement populaire déclenché lors de l’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, ont été un succès.

Le mécontentement populaire est toujours aussi profond.

En février 2019, la colère éclatait face au mépris d’un pouvoir corrompu qui condamnait la population à la mal-vie , malgré les richesses en hydrocarbures du pays. Le 2 avril, Ahmed Gaïd Salah, le chef de l’armée, poussait Bouteflika à la démission.

Durant près d’une année, le mouvement qui exigeait la fin du « système » allait rejeter toutes les solutions politiques émanant du pouvoir. Les manifestations et appels au boycott de l’élection présidentielle de décembre 2020 n’allaient cependant pas empêcher Abdelmadjid Tebboune, le nouveau président, d’être élu. Ses promesses de dialoguer avec les partisans du Hirak, qu’il a qualifié de « béni », de libérer les détenus d’opinion, d’augmenter le pouvoir d’achat des classes populaires ont pu séduire une fraction de l’électorat aspirant à la stabilité. La lassitude et l’attentisme vis-à-vis des promesses de Tebboune ont alors réduit l’ampleur des manifestations, malgré tout persistantes. C’est dans ce contexte qu’en mars 2020 l’arrivée de la pandémie a mis un terme à un an de contestation.

L’état de grâce de Tebboune aura cependant été de courte durée. La chute brutale des cours du pétrole et la crise sanitaire n’ont fait qu’aggraver la crise économique et sociale que traversait le pays. Les faillites d’entreprises se sont multipliées. Dans le secteur du bâtiment, c’est le cas de six entreprises sur dix. En un an, le chômage a explosé, des centaines de milliers de travailleurs se sont retrouvés sur le carreau, rejoints par de nombreux petits patrons, commerçants, artisans et auto-entrepreneurs endettés. Avec l’inflation, le pouvoir d’achat s’est effondré, aggravé par la chute du dinar qui a perdu un quart de sa valeur.

L’avenir est sombre en particulier pour les jeunes. Cette année, onze mille d’entre eux ont emprunté des embarcations de fortune, dans l’espoir d’une vie meilleure en Europe. L’incendie récent dans une résidence universitaire d’Alger, qui a provoqué la mort d’une étudiante, a choqué l’opinion. Elle a révélé la misère et la détresse de la jeunesse étudiante.

La mal-vie s’est accentuée.Les hôpitaux, qui étaient déjà à l’abandon, ont dû faire face à la pandémie dans des conditions lamentables. Les propos de Tebboune sur la performance du système de santé, alors que, malade du Covid, il est parti se faire soigner durant trois mois en Allemagne, ont provoqué de l’écœurement.

Après le camouflet reçu lors du référendum sur la Constitution, en grande partie boycotté, et après sa longue absence, Tebboune tente maintenant de reprendre la main. Craignant sans doute un regain de colère populaire, il a de nouveau prétendu vouloir tendre la main aux partisans du Hirak et a fait libérer des dizaines de détenus d’opinion. Il a annoncé un remaniement du gouvernement, la dissolution du Parlement, et des élections anticipées sans doute pour septembre.

Tebboune affirme vouloir faire émerger une classe politique nouvelle, jeune et non corrompue. Des forces politiques comme les islamistes d’Ennahda ou les démocrates du FFS ont répondu favorablement à son appel au dialogue. Ceux du PAD (Pacte pour l’alternative démocratique), qui prétendent incarner les aspirations exprimées lors du Hirak, s’en démarquent. Mais tous restent sur le terrain d’un ordre social bourgeois qui, avec l’approfondissement de la crise, est de plus en plus inconciliable avec les intérêts des travailleurs et des classes populaires.

Pour sortir de la misère et espérer une vie digne et libre, il n’y aura d’autre issue que de mettre à bas un ordre social qui maintient les peuples sous l’oppression.

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