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- Lutte ouvrière n°2498
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Décret-socle, convention collective, accord d’entreprise : un imbroglio dirigé contre les cheminots
Jusqu’à présent, les 150 000 cheminots de la SNCF étaient soumis à une réglementation du travail, le RH0077, datant de 1999. La réforme ferroviaire, adoptée en 2014, a prévu la suppression de cette réglementation au 1er juillet 2016 et la négociation d’un prétendu « cadre social harmonisé » pour l’ensemble de la branche ferroviaire, en vue de l’ouverture à la concurrence de l’ensemble du transport voyageurs : 2020 pour les TGV, 2023 pour l’ensemble du trafic.
La logique aurait été d’étendre la réglementation actuelle, qui concerne 90 % des cheminots, à l’ensemble de la branche. Mais le but du gouvernement, de la direction SNCF et de l’ensemble du patronat du ferroviaire était de réaliser, au travers de cette réforme, un plan de compétitivité sur le dos de tous les cheminots, en allongeant la durée du travail, l’amplitude des journées et en instaurant une flexibilité des horaires.
Le gouvernement a dégainé le premier en publiant un décret-socle. Connu dès la mi-février, il a été publié au Journal officiel le 9 juin. Censé définir le minimum applicable dans la branche, il constitue une régression considérable par rapport à la réglementation actuelle. Il prévoit un allongement de la durée du travail pouvant atteindre 39 heures, la suppression de 11 à 22 jours de repos annuels, de 22 repos doubles, de 8 dimanches. Il prévoit des fins de service avant repos à 22 h et non à 19 h et des reprises à 2 h du matin plutôt que 6 h, l’allongement d’une demi-heure à une heure de la durée maximale de travail quotidienne. De plus, la programmation des journées de travail peut être modifiée jusqu’à une heure avant la prise de service.
Face à l’émoi provoqué par ce décret, la propagande de la direction a été de dire : Ne vous inquiétez pas, il s’agit du premier étage de la réglementation, il reste deux étages : une convention collective de tout le ferroviaire doit également être négociée, ainsi qu’un accord d’entreprise à l’échelle de la SNCF.
Or cette convention collective, censée être plus favorable que le décret-socle, vient d’être signée par la CFDT, l’UNSA et la CFTC. Sans surprise, elle reprend l’essentiel des dispositions du décret-socle et constitue un recul important par rapport à la réglementation actuelle.
Concernant l’accord d’entreprise SNCF, il est certain que la direction aurait tenté d’appliquer les mêmes dispositions scélérates s’il n’y avait pas eu la réaction et la mobilisation des cheminots. Cette mobilisation, qui pour les grévistes se confondait avec la lutte contre la loi travail, a fait dire au gouvernement qu’il lâchait du lest en reprenant l’essentiel de la réglementation actuelle, tout en ajoutant une flexibilité accrue.
Les cheminots n’auraient donc obtenu au mieux qu’un sursis, ce qui a suffi à la CFDT et à l’UNSA pour signer l’accord d’entreprise, en oubliant que les grévistes n’en veulent pas, du fait de l’existence d’un article qui annule tous les autres en prévoyant que les « les roulements de service, tableaux de service et tableaux de roulement peuvent être modifiés au plan local » à condition « de respecter au minimum les dispositions de la convention collective nationale de la branche ferroviaire » et d’avoir « la majorité en nombre des organisations signataires du présent accord ».
En clair, il suffira que l’UNSA et la CFDT, c’est-à-dire les collaborateurs officiels de la direction, signent, pour que le directeur de n’importe quel établissement de la SNCF puisse appliquer non pas la réglementation prévue par l’accord d’entreprise, mais celle de la convention collective du ferroviaire, bien plus défavorable. Il s’agit ni plus ni moins de l’application de loi El Khomri inversant la hiérarchie des normes à l’intérieur même de la SNCF.
En réalité, tout cheminot pourrait, en vertu de cet article, perdre dès maintenant ses repos, travailler bien davantage et voir sa vie quotidienne démolie.
Voilà pourquoi les assemblées de grévistes ont rejeté cet accord d’entreprise et exigé un décret-socle et une convention collective qui soient au niveau de la réglementation actuelle.