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Madagascar : Pour la population, rien de changé
Rajoelina n'est évidemment pas arrivé au pouvoir porté par une majorité électorale. Et si le dernier acte qui a permis son accession à la présidence a été finalement le choix de l'armée en sa faveur, il s'est pendant près de deux mois appuyé sur des manifestations populaires, dont certaines se sont terminées en émeutes. C'est certainement cet aspect de la politique de Rajoelina, mise en oeuvre pour affaiblir le pouvoir auquel il s'opposait, qui a le plus gêné ceux qui critiquent aujourd'hui les voies « non démocratiques » par lesquelles il s'est hissé au pouvoir.
Rien d'autre ne peut en effet expliquer les différences d'appréciation et de traitement auxquelles ont droit l'ancien et le nouveau président car, entre Andry Rajoelina et le président déchu Marc Ravalomanana, les différences politiques et sociales sont pour ainsi dire nulles.
Le nouveau président, homme d'affaires issu d'une famille riche, posséde des entreprises dans la publicité ainsi qu'une radio et une chaîne de télévision où il ne se gênait pas pour dénoncer certains abus, surtout lorsqu'il s'agissait de ceux de l'ex-président. De son côté Ravalomanana s'était considérablement enrichi depuis son arrivée au pouvoir, il y a sept ans, après avoir fait main basse sur de nombreux secteurs économiques, tels que les produits laitiers et leurs dérivés à travers sa société Tiko, créée en 1980, grâce à l'appui financier de la Banque mondiale. Au fil des ans Tiko était devenu un empire économique très puissant intervenant dans de nombreux secteurs de l'agro-alimentaire et du bâtiment. Cet empire économique s'est rapidement étendu à travers tout le pays, au détriment de nombreux concurrents qui ont été écartés et parfois arrêtés sur des prétextes futiles.
L'emprise que Ravalomanana exerçait sur une partie de l'économie malgache a sans doute été une des raisons qui lui ont fait perdre l'appui d'une frange de la bourgeoisie malgache qui pouvait se sentir mise à l'écart par la puissance des entreprises appartenant au président et par les méthodes de ce dernier.
Le nouveau dirigeant ne vaut certainement pas mieux que l'ancien chef d'État. Mais, aux yeux des puissances occidentales, ce dernier avait au moins le mérite d'une politique connue et appréciée. Il avait déjà fait la preuve de sa « bonne gouvernance ». Au début de son mandat il avait pris quelques distances avec Paris et se prévalait de liens d'amitié avec les États-Unis. Les instances internationales ont approuvé son programme de privatisation tous azimuts des sociétés d'État, datant de la période antérieure où des nationalisations de sociétés étrangères avaient eu lieu au nom de la « malgachisation de l'économie ». Des prêts lui avaient été accordés par le FMI qui permirent aux multinationales de décrocher d'importants contrats et à l'empire Tiko d'augmenter son champ d'activités, et surtout de s'enrichir.
Les distances prises par certains pays vis-à-vis du nouveau gouvernement malgache seront-elles longtemps maintenues ? Rien n'est moins sûr. Aujourd'hui des nuances se font jour par où transparaissent des intérêts divergents, entre la France, qui entend bien maintenir son emprise politique et économique sur le pays et d'autres pays, qui peuvent s'estimer moins bien placés.
Il est vrai que si Sarkozy, pour ne pas se distinguer de ses collègues européens, a reconnu que l'arrivée au pouvoir de Rajoelina s'est bien faite par un coup d'État, le ton employé par les représentants de l'impérialisme français est des plus mesurés. Visiblement, il n'est pas question de couper les relations avec le nouveau gouvernement, ni de restreindre les échanges économiques. Il est simplement demandé à Rajoelina de légaliser son pouvoir au plus vite par de nouvelles élections, dont on pourra dire qu'elles seront démocratiques !
En tout cas, avec un nouveau capitaliste à la tête du gouvernement et le soutien à peine voilé de l'impérialisme français, la vie de la population malgache n'est pas près de changer.