Guerre en Ukraine : Zelensky fait son marché16/05/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/05/2859.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guerre en Ukraine : Zelensky fait son marché

C’est en fanfare que l’Élysée a annoncé avoir reçu le président ukrainien Zelensky, dimanche 14 mai. Macron était ravi de s’afficher au côté de celui qui venait de rencontrer le pape et, juste avant, le président et le chancelier allemands, ainsi que le gouvernement italien.

Au-delà de la mousse diplomatico-médiatique, Zelensky a évoqué « les besoins urgents de l’Ukraine », et d’abord la fourniture d’avions de guerre modernes, tels des F-16 que Berlin venait de lui refuser. « La question est un peu prématurée », a assuré en écho l’Élysée, qui préfère insister sur les chars rapides que la France va livrer à l’armée ukrainienne, en plus d’équiper et de former plusieurs de ses bataillons.

Zelensky a donc regagné Kiev en se targuant d’une tournée fructueuse auprès de ses alliés. Et il en a bien besoin, car il ne cesse de reporter la contre-offensive qu’il promet depuis des mois.

« Nous avons encore besoin de temps », a-t-il déclaré. Mais ce n’est pas qu’une affaire de munitions et d’équipements militaires dernier cri. Encore faut-il avoir les hommes pour s’en servir. Or plus d’un an de combats ont fait d’énormes trous dans les effectifs de l’armée ukrainienne – comme dans celle de Poutine – que l’état-major ukrainien peine à combler. Même si les médias occidentaux n’en font guère état, les réseaux sociaux ukrainiens relèvent que de plus en plus d’hommes tentent d’échapper à l’envoi au front. Certains paient des pots-de-vin pour être exemptés, obtenir une planque à l’arrière ou sortir du pays. D’autres refusent de combattre, ce dont témoigne l’envol du nombre des peines infligées à ce titre par les tribunaux militaires.

Cette situation explique qu’un projet de loi ait été déposé à la Rada (le Parlement) qui abaisse de deux ans l’âge de la conscription. Il vise à fournir plus de chair à canon aux généraux de Zelensky, et à ceux de l’OTAN qui combattent Poutine avec la peau des Ukrainiens !

Car, si cette guerre d’usure voulue par les puissances occidentales épuise le potentiel militaire, humain et industriel de la Russie, elle épuise encore plus vite celui que l’Ukraine, bien moins peuplée, peut aligner sur le champ de bataille. De hauts gradés américains, sans doute bien informés, laissent entendre que le régime de Zelensky n’aurait pas les moyens de lancer sa fameuse contre-offensive, et surtout de la mener si, comme c’est probable, elle tournait à l’hécatombe.

En attendant, on redit du côté occidental, comme dans le communiqué de l’Élysée, que l’on veut aider « l’Ukraine à poursuivre son chemin vers la famille euro-atlantique ». Il faut comprendre : vers l’intégration à une Union européenne dominée par les bourgeoisies française et allemande, et vers l’adhésion au bloc militaire des principaux États impérialistes, l’OTAN. C’est donc précisément l’amener vers ce que la Russie de Poutine refuse, car cela mettrait les blindés et les missiles de l’OTAN à ses frontières.

Les puissances qui soutiennent l’Ukraine aimeraient garder le contrôle de l’escalade guerrière, en ne livrant pas certains armements sophistiqués à leur allié Zelensky. Mais, depuis bientôt quinze mois que la guerre fait rage, on constate que les mêmes États n’ont cessé de lever les unes après les autres les barrières qu’ils disaient mettre à l’intensification du conflit. Et il se pourrait qu’il en aille des F-16 comme il en est allé des chars lourds, finalement fournis à Kiev par Washington, Londres et Berlin.

Que cette fuite en avant risque à tout moment de dégénérer en un conflit bien plus large, les dirigeants du monde entier le savent. Mais ils peuvent d’autant moins écarter ce risque que toute leur économie y trouve son compte, tirée qu’elle est par les commandes d’armement qui explosent partout. Et puis, il est si pratique aux Biden, Macron, Scholtz et autres de paraître se soucier du sort de la « petite Ukraine » devant leur opinion publique, plutôt que d’avouer que de toute façon ils pousseraient à la flambée des budgets militaires, car leurs capitalistes y trouvent un intérêt majeur.

Cela n’empêche pas les dirigeants occidentaux et leurs capitalistes d’envisager la suite. Ainsi, lors d’un récent sommet consacré à la reconstruction d’une Ukraine dévastée par la guerre, ils salivaient par avance devant « un chantier estimé à plus de 350 milliards de dollars », selon la revue L’Usine nouvelle, qui se félicitait « des contrats déjà remportés » par le patronat français malgré une « présence massive allemande ».

Ces profits à venir valent bien que Macron ait sorti les petits fours pour Zelensky, et surtout des chars et des canons pour que les soldats ukrainiens et russes s’entretuent dans une guerre où les travailleurs de deux pays n’ont rien à gagner.

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