Grande-Bretagne : attentat et démagogie électorale03/12/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/12/2679.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : attentat et démagogie électorale

Survenant en pleine campagne pour les élections anticipées du 12 décembre, l’attentat du London Bridge à Londres, le 30 novembre, a aussitôt pris place dans la surenchère des grands partis britanniques.

Son auteur, Usman Khan, s’est précipité sur la foule, armé d’un couteau. Il a tué deux personnes et blessé trois autres, avant d’être maîtrisé par des passants. La police l’a ensuite abattu pour l’empêcher d’actionner une ceinture d’explosifs qui s’est révélée factice par la suite. Telle est la version officielle de ces événements, où on reconnaît la trame, aussi criminelle qu’absurde, de bien d’autres attentats depuis plus de dix ans.

Puis, on a appris que Khan, 28 ans, venait de Stoke-on-Trent, une ville ouvrière pauvre du nord de l’Angleterre, où il était né dans une famille venue du Cachemire pakistanais. Avec d’autres jeunes influencés par un prêcheur intégriste yéménite, il avait été arrêté et accusé de préparer des attentats, en particulier contre le quartier des affaires de Londres.

L’accusation reposait sur les liens de ces jeunes avec cet émir, des vidéos, des photos, des plans de quartiers. On n’a découvert aucune arme, explosif ou preuve d’un début de réalisation de ces attentats. Mais cela n’empêcha pas Khan d’être mis en prison en 2012 pour une durée illimitée – une peine d’exception introduite par Tony Blair. Puis, en appel, sa peine fut fixée à 16 ans de prison, dont 5 ans de sûreté. Moyennant quoi, Khan ressortit de prison en 2019, après avoir passé ces années dans un isolement quasi complet.

Tandis que la grande presse de droite, hystérique, hurlait au « scandaleux laxisme de la justice », le Premier ministre Boris Johnson a sauté sur l’occasion pour relancer sa campagne sécuritaire en attribuant ce « laxisme » aux travaillistes et en annonçant un nouvel allongement des peines de détention, alors que les prisons sont déjà pleines à craquer. Et de promettre de rétablir les peines illimitées pour terrorisme, en oubliant de dire qu’elles avaient été supprimées par son parti, en 2013, du fait du surpeuplement des prisons.

Mais Johnson s’est bien gardé de parler d’autres scandales. Par exemple, de ce que nombre d’attaques dites terroristes sont le fait de malades mentaux abandonnés suite aux réductions budgétaires qui ont dévasté les hôpitaux psychiatriques et les services de psychiatrie à domicile. Or, d’après les témoignages de ses proches, Khan semble avoir eu très jeune des problèmes mentaux. Et, selon certains médecins, le fait qu’il ait imité un autre attentat commis au même endroit, en juin 2017, par trois hommes utilisant eux aussi des couteaux et des ceintures d’explosifs factices, relèverait plus du comportement d’un malade mental que de celui d’un terroriste avéré.

Il y a ensuite les conséquences de la privatisation catastrophique des services de probation par le parti de Johnson. À force de réduire les effectifs, les condamnés ne bénéficient d’aucun suivi, ni pendant leur détention ni après. C’est ainsi que les demandes répétées adressées à ces services par Khan durant sa détention, pour l’aider à sortir de l’ornière intégriste, étaient restées sans réponse.

Enfin, il y a le rôle de l’État britannique qui, d’une intervention militaire à l’autre, au Moyen-Orient comme en Afrique, contribue à aggraver la misère des peuples et attise leur haine pour ces pays riches qui les pillent en ne leur apportant que la guerre et la famine. Qui peut s’étonner que cette haine finisse par atteindre les nombreux exilés de ces pays pauvres qui vivotent dans les pays riches, dans des conditions souvent plus que précaires ?

Bien sûr, ce dernier point ne pouvait pas être évoqué par un Johnson qui fait si volontiers étalage de sa nostalgie pour l’Empire. Pour avoir osé faire une entorse à la loi du silence des politiciens dans ce domaine, en dénonçant le rôle joué par les guerres britanniques passées, le dirigeant travailliste Jeremy Corbyn s’est attiré en retour une campagne qui l’accuse d’antisémitisme, pour avoir osé critiquer la politique criminelle de l’État d’Israël envers le peuple palestinien.

Cela ne place pas Jeremy Corbyn dans le camp des travailleurs, bien sûr, car c’est un camp dont il ne veut pas être. Mais cela fait au moins une voix discordante dans un méprisable concert d’hypocrisie.

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