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Éthiopie : le poison de l’ethnisme
L’Éthiopie est aujourd’hui un eldorado pour les trusts du monde entier, en particulier ceux du textile, qui profitent des salaires bien moins élevés qu’en Chine ou même au Bangladesh. Dans le dernier numéro de leur mensuel Le pouvoir aux travailleurs, nos camarades de l’Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) dénoncent les hommes politiques qui s’emploient à distiller le poison mortel de l’ethnisme au sein de la population et de la classe ouvrière.
L’Éthiopie, 110 millions d’habitants, est constituée de dizaines d’ethnies, dont les plus importantes sont les Oromo (40 %), les Amharas (32 %) et les Tigréens (6 %). Malgré cette diversité, les populations ont réussi à vivre ensemble sans trop de heurts. Très longtemps, les classes dirigeantes ont été des Amharas.
Ce n’est que depuis 1995, avec le gouvernement tigréen de Meles Zenawi, que le pays est subdivisé en régions ethniques (les régions-États). Il a instauré l’obligation de mentionner le nom de l’ethnie sur la carte d’identité, introduisant ce poison dans la vie politique et sociale.
Le Premier ministre actuel, Abiy Ahmed, vient de recevoir le prix Nobel de la paix pour avoir mis fin à la guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Mais depuis le 25 octobre 2019, dans les grandes villes d’Oromia, des manifestations se sont produites contre Abiy Ahmed. Plus de soixante personnes ont été tuées par l’attaque de jeunes Oromo de la campagne, appelés Qeerroo, et qui sont en fait des milices payées par Jawar Mohammed. Ce dernier est un dirigeant Oromo, opposé à la politique du Premier ministre, Oromo comme lui.
Ces deux hommes étaient alliés après la démission de Dessalegn, le précédent dirigeant. Jawar possède une chaîne de télévision, Oromia Media Network (OMN), installée aux États-Unis. Il a accusé les forces de l’ordre d’avoir organisé une attaque contre sa personne. « La police a voulu nous tester, je pense qu’ils ont eu la réponse qui convenait. Nous leur avons montré qu’il était impossible de nous intimider », a-t-il déclaré.
Cela a déclenché un face-à-face tendu entre les forces de l’ordre et ses milices Qeerroo.
Dans les grandes villes d’Oromia, les affrontements ont provoqué des morts à coups de bâton et de machette. Des maisons et des églises ont été incendiées. Les victimes ont été choisies dans l’ethnie Amhara, en majorité chrétienne. Il y a eu plusieurs dizaines de morts. Même une usine a été attaquée et dévalisée.
Les agissements des Qeerroo ont bloqué les portes d’accès de la capitale, Addis Abeba. C’est une ville cosmopolite où résident toutes les ethnies. Les Oromo la considèrent comme la leur. Le blocage a empêché la circulation des personnes et des marchandises. Pendant plus d’une semaine Addis a été isolé, entraînant le ralentissement des échanges commerciaux.
Une certaine inquiétude, doublée d’un mécontentement, règne depuis au sein de la population de la ville. D’autant plus que le Premier ministre s’est illustré par son silence. Certains disent même qu’ils ne vont pas attendre qu’on les égorge sans rien faire.
Au sein du gouvernement, des ministres ont manifesté leur désaccord avec leur Premier ministre Abiy. C’est alors que ce dernier a fait des déclarations pour prôner le calme et l’entente entre tous. Les chefs religieux, chrétiens comme musulmans, se sont mis à calmer les esprits à la radio et à la télévision. Tous disent qu’il faut vivre dans l’entente et la fraternité.
Si l’opposant Jawar Mohammed a utilisé les Qeerroo pour perturber la situation dans le pays, c’est qu’il a l’intention de participer aux élections parlementaires qui auront lieu au mois de mai prochain. Il a déclaré qu’il se présenterait, et jusqu’à maintenant les agissements de ses milices ne se sont pas arrêtés.
La classe ouvrière d’Éthiopie est multiethnique, à l’image de sa population. Elle pourrait faire de cette diversité ethnique un avantage, si elle était organisée politiquement en tant que classe sociale voulant regrouper l’ensemble des exploités. Elle a comme ennemie, non pas telle ou telle ethnie, mais la classe des exploiteurs. L’ethnisme, le régionalisme ou le nationalisme sont autant de pièges et d’impasses sanglantes pour l’ensemble des opprimés.