États-Unis : quand Boeing rédige les lois03/12/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/12/2679.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : quand Boeing rédige les lois

Ce texte est adapté d’un article du bimensuel trotskyste américain The Spark (11 novembre 2019).

En service depuis mai 2017, le Boeing 737 MAX a connu deux accidents majeurs, les 28 octobre 2018 et 10 mars 2019, causant la mort de 346 personnes. Les autorités américaines ne l’ont cloué au sol que le 13 mars 2019.

Boeing avait désactivé un signal d’alerte afin de le rendre optionnel, donc payant. Ni les compagnies aériennes ni les pilotes n’en avaient été informés. C’est ce signal, censé avertir des dysfonctionnements du système antidécrochage de l’appareil, qui est mis en cause dans ces accidents. Le décrochage est généralement dû à une baisse de la vitesse dont l’équipage n’est pas averti, ce qui provoque sa perte d’altitude et parfois sa chute.

« Pourquoi cet avion vole-t-il toujours ? », avait demandé un ingénieur sécurité, lors d’une réunion de la Federal Aviation Administration (FAA), l’agence gouvernementale de l’aviation civile aux États-Unis, avant l’interdiction de vol. On pourrait ajouter : « Pourquoi cet avion a-t-il été autorisé à voler depuis le début ? »

Après l’enquête, de nombreuses informations ont été révélées. Par exemple, le nouveau directeur du département sécurité de la FAA, Ali Bahrami, était lobbyiste pour le groupe Boeing. Selon les procédures de certification, la FAA sous-traitait certaines de ses prérogatives à Boeing. Les effectifs de la FAA ayant été réduits, des personnels de Boeing étaient payés pour mener de nombreuses missions de certification et de contrôle sécurité. La direction de Boeing passait par-dessus les objections des ingénieurs et des pilotes d’essai, pour empêcher les retards dans les plannings de fabrication.

Ces pratiques sont connues de longue date, car la FAA est très favorable aux constructeurs aéronautiques américains, au premier chef Boeing. Récemment, les choses se sont encore aggravées pour la sécurité des vols, mais encore améliorées pour Boeing. Ainsi, en octobre 2018, le Congrès a voté une nouvelle loi d’habilitation pour la FAA, adoptée avec les voix des républicains et des démocrates. Elle interdit à la FAA d’intervenir dans la conception et la production d’un avion, sauf si elle peut prouver qu’il y a un problème. Une pareille preuve, c’est en général un premier accident, comme des notes l’ont montré.

Encore pire, la loi constitue un « comité de conseil » composé de cadres de l’industrie aéronautique pour superviser la FAA et établir des directives que celle-ci devra suivre. Ce comité devrait comporter 17 représentants du secteur et deux des syndicats. La loi a été adoptée juste avant les deux accidents du 737 MAX, qui ont placé cette nouvelle réglementation sous les projecteurs.

La leçon est assez claire : le gouvernement veille à ce que les intérêts de Boeing passent toujours en premier. Les avertissements des salariés et des spécialistes sont négligés et rejetés. Cela reflète la façon dont l’industrie fonctionne dans tous les lieux de travail. Les profits passent d’abord, sans que les préoccupations et les avertissements des travailleurs soient pris en compte !

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