Mayotte : l’ignoble opération Wuambushu26/04/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/04/2856.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mayotte : l’ignoble opération Wuambushu

Le 24 avril le tribunal judiciaire de Mamoudzou a suspendu provisoirement la destruction d’habitations insalubres sur la commune de Koungou, qui devait être le point de départ de l’opération policière dite Wuambushu.

Le tribunal a jugé que ce « décasage » violent aurait privé de logement, non seulement des personnes n’ayant pas de papiers en règle, mais aussi leurs voisins et des membres de leur famille ayant la nationalité française. Ce sursis obtenu par les habitants qui veulent résister à la brutalité de l’État met en évidence que la pauvreté et l’habitat indigne ne frappent pas que des immigrés, clandestins ou pas, mais aussi des Mahorais reconnus français. Il n’en reste pas moins que ce distinguo de nationalité n’existe que pour l’administration française, car tous sont des pauvres de culture comorienne, contraints de vivre sans électricité ni eau courante dans des bidonvilles qu’ils ont eux-mêmes construits avec les moyens du bord.

Devant la misère qui se généralise et les conditions de vie qui s’aggravent à Mayotte, le président, le ministre de l’Intérieur, le préfet et bien des notables locaux n’ont qu’une seule cible : les Comoriens considérés comme clandestins et accusés de tous les maux. La frange de voyous livrés à eux-mêmes qui rendent la vie difficile, et encore plus aux pauvres, a été fabriquée par la misère et surtout par les lois et règlements privant des enfants de leurs parents expulsés vers les Comores.

Nulle part les compagnies de CRS n’ont mis fin à la délinquance. La surveillance accrue des barques « kwassa-kwassa », qu’empruntent les Comoriens en quête d’une vie un peu moins dure à Mayotte, par des radars et des avions de surveillance financés par la récente augmentation du budget militaire, ne rendra pas les rues de Mamoudzou plus sûres. 1 800 gendarmes et CRS ne feront pas couler de l’eau potable dans les canalisations, n’éclaireront pas les quartiers à électricité intermittente, ne donneront pas des cours dans des salles de classe insuffisantes, ne soigneront pas les malades dans des infrastructures de santé sous-dimensionnées.

Ralenti par la décision judiciaire et par le refus de l’État comorien de laisser accoster des bateaux qui transporteraient des expulsés de Mayotte, le gouvernement français ne désarme pas. Il prévoit des semaines de répression qui ne mèneront qu’à plus de misère et de désarroi en désorganisant la vie sociale et les solidarités qui permettent de survivre dans les quartiers les plus pauvres.

Les politiciens locaux abondent dans la démagogie anti-immigré, tel le vice-président du conseil départemental qui est allé jusqu’à comparer les jeunes Comoriens à des terroristes, ajoutant : « Il faut peut-être en tuer. » Devant le tollé soulevé, il a dû se rétracter, mais ce propos infâme souligne l’impasse dans laquelle conduit la politique gouvernementale.

La mise en scène orchestrée par Darmanin, accessoirement pour sa propre promotion, vise à dédouaner l’État et ses relais locaux de leur incurie et à embrigader une partie de la population derrière les forces de répression. Il serait dangereux de croire qu’elles agiront pour protéger les braves gens contre les délinquants. L’objectif est de faire accepter l’exploitation et la misère à tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité.

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