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Dans le monde
Tirailleurs sénégalais : la chair à canon venue des colonies
La sortie du film Tirailleurs a servi de prétexte à divers politiciens allant de l’extrême droite aux macronistes pour déverser leurs injures contre ceux qui critiquent le passé colonial de la France.
Ce corps militaire fut créé en 1857 pour aider l’armée française à imposer sa domination aux populations des colonies. Avec la montée vers la Première Guerre mondiale, l’idée surgit d’utiliser ces soldats en dehors des colonies. Le général Mangin, un officier colonial, justifia par sa rhétorique raciste la constitution d’une « force noire ». « Le noir naît soldat », écrivait-il pour justifier l’emploi de ces soldats qu’il décrivait comme des « primitifs pour lesquels la vie compte si peu ». À partir de 1915, de grandes opérations de recrutement de force eurent lieu dans les colonies d’Afrique de l’ouest. Contrairement à la légende, la population résista à cet enrôlement particulièrement violent, comme le montre le film. Des révoltes éclatèrent même à Madagascar en 1915, dans des villages de l’actuel Burkina et parmi les populations du Tchad et du nord du Niger en 1916, dans les Aurès en 1917, ainsi qu’en Indochine et en Nouvelle-Calédonie.
485 000 soldats enrôlés dans tout l’empire colonial furent envoyés au front. Ils tombèrent massivement à Verdun en 1916, lors de l’offensive du Chemin des Dames en 1917 et pour la prise de la ville de Reims en 1918. Sur les 134 000 tirailleurs sénégalais envoyés en Europe, plus de 20 % périrent, sur les champs de bataille et dans l’horreur des tranchées d’abord, et aussi du fait de toutes les maladies pulmonaires qui leur étaient inconnues jusque-là. Des dizaines de milliers d’hommes venant des colonies étaient aussi enrôlés dans les usines en France pour faire la richesse des marchands de canons. Pendant ce temps, les populations des colonies connaissaient les réquisitions et le travail forcé pour participer bien malgré elles à l’effort de guerre.
Lors de la Deuxième Guerre mondiale, de nouveau des troupes coloniales participèrent en masse aux combats pour que la France fasse partie des vainqueurs et garde son empire colonial. Mais les discours sur la liberté et la démocratie ne leur étaient pas adressés. Le 1er décembre 1944, plusieurs dizaines de tirailleurs sénégalais furent massacrés par des gendarmes français dans le camp de Thiaroye au Sénégal. Après avoir été prisonniers de guerre, ils étaient rapatriés au pays et manifestaient pour obtenir la solde à laquelle ils avaient droit.
Quant aux soldats venant d’Algérie, ils découvrirent, à leur retour, les massacres à Sétif et Guelma contre ceux qui avaient osé réclamer l’indépendance et la liberté pour eux-mêmes. La puissance coloniale française allait finir par payer sa politique. En armant ces soldats, elle fit de certains des combattants qui décidèrent de ne plus se laisser dominer. Beaucoup luttèrent ensuite contre la présence française dans leur pays.
Jusqu’au bout, l’armée française utilisa des tirailleurs et autres soldats enrôlés dans les colonies pour combattre leurs frères d’oppression. En Indochine, en Algérie, ils servirent à nouveau de chair à canon. Comment s’étonner que les différents gouvernements n’aient jamais traité les soldats africains à égalité avec les soldats français ? Le personnel politique de cette vieille puissance coloniale est élevé dans le racisme comme il est élevé dans la haine antiouvrière et antipauvres.