30 décembre 1922, la naissance de l’URSS11/01/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/01/2841.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 100 ans

30 décembre 1922, la naissance de l’URSS

Le 30 décembre 1922, le congrès des soviets regroupant des délégués de quatre républiques socialistes soviétiques, Russie, Ukraine, Biélorussie, et Transcaucasie qui rassemblait les populations d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie, décidait la création d’une union fédérale : l’Union des républiques socialistes soviétiques, l’URSS.

Géographiquement, ce nouvel État correspondait en grande partie à ce qu’avait été l’Empire tsariste. Mais la « prison des peuples » avait fait place à une entente librement consentie entre de nouveaux États d’où les anciennes classes dirigeantes, féodales et bourgeoises, avaient été chassées. Le terme même d’URSS ne comportait aucune référence nationale ou géographique. Cette union était destinée à s’élargir à d’autres pays au fur et à mesure que de nouvelles révolutions ouvrières seraient victorieuses.

La révolution et les peuples de l'empire tsariste

Depuis sa création, le Parti bolchevique, le parti de la classe ouvrière, avait regroupé en son sein les communistes de tout l’Empire, quelle que soit leur nationalité. Et pour tous, à commencer par Lénine, la révolution prolétarienne était indissociable de la fin de l’oppression nationale des peuples non russes. Dès la prise du pouvoir d’octobre 1917, un décret avait proclamé la fin de l’Empire et le droit de tous les peuples « à la libre autodétermination jusque et y compris la séparation ».

Il était évident que cette déclaration pouvait être utilisée par les classes dirigeantes d’Ukraine, de Géorgie et d’autres régions pour couper tout lien avec le nouveau pouvoir ouvrier. Tout comme il était certain que les puissances impérialistes chercheraient à mettre la main sur ces nouveaux régimes se proclamant désormais indépendants. Mais par ce décret, le nouveau pouvoir révolutionnaire montrait aux masses pauvres non russes de l’Empire, essentiellement paysan­nes, qu’il rompait avec les méthodes et les buts du tsarisme. Et avec cette politique, après des années de guerre civile, il allait gagner leur confiance.

La guerre civile réduisit d’abord le territoire révolutionnaire comme peau de chagrin. Par le traité de Brest-Litovsk de mars 1918, imposé par l’Allemagne, celle-ci mettait la main sur la Finlande et l’Ukraine, le grenier à blé de la région, et un quart de la Russie d’Europe. L’année suivante, les armées blanches arrivèrent aux portes de Petrograd. Il fut envisagé de l’évacuer, pour empêcher que sa classe ouvrière soit exterminée. Cependant les Blancs ne réussirent pas à prendre la ville. Et, cette même année 1919, la classe ouvrière se soulevait en Bavière et en Hongrie, y créant d’éphémères républiques des conseils. L’espoir était dans l’extension de la révolution.

Chaque fois que les armées blanches reprenaient un territoire, elles exécutaient les communistes, réinstauraient les anciens privilèges avec l’ancienne oppression sociale et nationale. Le nouveau pouvoir soviétique, lui, là où il réussissait à s’établir, créait des républiques nationales autonomes et donnait la terre aux paysans. Les masses pauvres de l’ancien Empire tsariste choisirent donc leur camp. Les puissances impérialistes furent contraintes de reculer, car elles craignaient, en intervenant trop directement, d’accélérer la contagion révolutionnaire. Ainsi, les marins de la flotte française de la mer Noire s’étaient mutinés, rejoignant le camp des soviets, en hissant le drapeau rouge sur leurs navires.

L’Armée rouge fut finalement victorieuse. Mais le pouvoir soviétique sortait de l’épreuve isolé, car la révolution ne s’était pas étendue en Europe. Et la population de la future URSS était exsangue. L’économie, sur une base arriérée héritée du tsarisme, était dévastée. Cette situation permit le développement d’une bureaucratie à l’intérieur de l’État et du parti.

Le dernier combat de Lénine

En 1922, Lénine déjà très atteint par la maladie avait dû se retirer pendant six mois. Au début d’octobre, quand les médecins l’autorisèrent à reprendre le travail, il réalisa à quel point l’appareil bureaucratique avait pris du poids. Durant l’été, en son absence, Staline avait fait voter au comité central le projet, non pas d’une Union fédérale de toutes les républiques soviétiques, mais l’intégration de toutes les républiques à la république russe. Lénine, de retour, imposa l’idée de l’URSS, une fédération où chaque république aurait des droits égaux, y compris le droit de faire sécession.

Survint ensuite l’affaire géorgienne. En Géorgie, tout le comité central avait démissionné après qu’un envoyé de Staline eut frappé un des dirigeants locaux qui refusait de se soumettre lors d’une discussion. Lénine prit fait et cause pour les Géorgiens, avec Trotsky, contre Staline. C’est alors qu’il rédigea un texte, connu plus tard comme son testament, qui contenait cet avertissement : « Staline est trop brutal, et ce défaut, pleinement supportable dans les relations entre nous, communistes, devient intolérable dans la fonction de secrétaire général. C’est pourquoi je propose aux camarades de réfléchir au moyen de déplacer Staline de ce poste. » Mais la rechute de la maladie puis sa mort empêcha Lénine de mener ce combat jusqu’au bout.

Négation de la politique de Lénine, le stalinisme s’appuya sur le chauvinisme russe. Deux ans après la création de l’URSS, Staline inventa la théorie du socialisme dans un seul pays. Plus tard, en 1943, il allait dissoudre l’Internationale communiste et remplacer l’Internationale, l’hymne de l’URSS depuis 1922, par un chant patriotique russe.

La révolution de 1917 et la guerre civile avaient bouleversé les rapports sociaux en profondeur. La bourgeoisie avait été expropriée. Sur cette base, malgré le stalinisme et l’isolement international, l’économie progressa rapidement à l’échelle de cet immense pays, alors que le monde capitaliste s’enfonçait, lui, dans la crise en 1929. L’URSS fut une entité économique unifiée, avec une organisation de la production et des échanges à son échelle. De nombreuses régions que le tsarisme avait laissées dans l’arriération connurent un développement urbain, industriel et culturel n’ayant d’égal dans aucun autre pays pauvre du monde. Des alphabets furent inventés pour des langues qui n’en avaient pas. Des écoles furent mises en place, avec les moyens du bord, donnant à l’éducation un essor sans précédent.

Malgré le parasitisme de la bureaucratie, l’URSS échappait en partie au pillage des puissances impérialistes. Et lorsqu’elle éclata, en 1991, une des pires conséquences fut que cet ensemble économique se morcela. Les républiques furent livrées au pillage des oligarques et des trusts occidentaux. Pour la population de tous ces pays, russes comme non russes, ce fut une catastrophe. Le niveau de vie et même l’espérance de vie s’effondrèrent.

L’URSS restera l’exemple d’une union entre peuples fondée sur leur libre consentement et la conscience que le développement de tous était dans l’intérêt général, une union qui ne fut possible qu’après une révolution ayant exproprié les exploiteurs.

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