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Leur société
Bourse : la fièvre monte
Comme d’autres indices boursiers mondiaux, le Cac 40 a battu son record d’avant le Covid, et même celui d’avant la crise financière de 2008.
Les médias prétendent que c’est bon signe, car cela signifie que les capitalistes entrevoient une forte reprise de l’économie. En réalité, c’est l’inverse, et cet emballement spéculatif annonce de nouvelles catastrophes.
L’économie mondiale est loin d’être repartie à son niveau précédant la pandémie. Certains secteurs sont toujours quasiment à l’arrêt, comme l’aviation, le tourisme, la restauration ou le secteur du spectacle. Les usines et les chantiers se sont remis à travailler, mais de façon chaotique. Dans l’automobile, à peine la production était-elle relancée que les pénuries de semi-conducteurs et de matières premières ont imposé la mise à l’arrêt de plusieurs sites en France et dans le monde. Et d’autres pénuries inquiètent le patronat. Dans le bâtiment, le manque de bois entraîne des hausses des fournitures de 20 à 30 %. Les industriels de la mécanique s’agacent, eux, des hausses de prix de l’acier.
Ces pénuries ne sont pas seulement dues au fait que les chantiers ont repris et que les entreprises veulent reconstituer leurs stocks. Le patronat de l’acier est soupçonné d’avoir volontairement ralenti le redémarrage des hauts-fourneaux pour faire monter les prix. Et les grands transporteurs maritimes internationaux ont réduit le nombre de leurs navires pour faire exploser les tarifs du fret. Même les équipementiers de l’industrie du vélo ont fait le choix, malgré le boom du secteur, de ne pas investir pour répondre à la demande, par crainte de se retrouver ensuite en surcapacité. En France et en Allemagne, toutes ces tensions ont fait reculer la production entre janvier et février.
L’absence de réelle reprise économique dissuade les capitalistes d’investir, et les incite au contraire à accroître leurs profits en faisant monter les prix… et à placer leur argent sur les marchés financiers. Même l’argent des vaccins a servi à spéculer, comme le sous-entend l’Union européenne dans sa lettre à AstraZeneca rendue publique, lorsqu’elle demande : « Quelle utilisation a été faite des 224 millions d’euros initialement versés [pour payer les vaccins] ? »
Une autre contribution est venue aider les Bourses à battre des records. Depuis le début de la crise sanitaire, un public de petits boursicoteurs s’est développé. En France, plus de 700 000 spéculateurs en herbe, ne sachant pas quoi faire de leur épargne, se sont mis à jouer en Bourse, en effectuant eux-mêmes les transactions via des sites Internet spécialisés. En s’appuyant sur les réseaux sociaux, ils ont réussi des coups qui ont fait perdre des sommes importantes à certains et ont permis à d’autres de s’enrichir. L’un d’eux, un analyste financier de profession, qui se fait appeler sur Internet Chaton rugissant, prétend avoir gagné 40 millions de dollars en dix mois en partant d’une somme de 50 000 dollars.
Financièrement, ces petits spéculateurs ne pèsent pas lourd en comparaison des fonds d’investissement et des banques. Mais, en échappant à tout contrôle, leurs interventions apportent une nouvelle source d’instabilité dans un monde financier très volatil, où des capitaux considérables peuvent se déplacer très rapidement et où, du jour au lendemain, ces déplacements peuvent entraîner des faillites en chaîne de banques, d’entreprises et même d’États.
Un économiste inquiet a avoué à la presse que « cette euphorie rappelait celle qui avait précédé la crise de 2008 et l’explosion de la bulle Internet ». Sans doute, mais aucun gouvernement au service des capitalistes n’envisage de les empêcher de continuer à s’enrichir, en jouant l’avenir de l’humanité à la roulette. Ils préfèrent croire et faire croire que ce cancer est un signe de bonne santé.