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Dans le monde
Colombie : généraux criminels
Sous le régime d’Alvaro Uribe, président de 2002 à 2010 et mentor de l’actuel président, Ivan Duque, la Colombie vivait à l’heure d’une prétendue sécurité démocratique : l’armée était en concurrence avec les paramilitaires pour réprimer les guérillas des FARC et de l’ELN. Elle pratiquait alors les « faux positifs » : tuer des jeunes des quartiers populaires, les habiller en guérilleros et les déclarer comme tels permettait de toucher des primes ou d’obtenir des promotions. Et Uribe vantait ses succès.
Officiellement, trois mille jeunes, et certainement bien plus, ont été victimes de ce qui, depuis 2010, est devenu un scandale qui mobilise les tribunaux mais aussi les mères des jeunes victimes. Des centaines de militaires subalternes ont été condamnés. Encore en 2018, l’un d’entre eux a été condamné à 39 ans de prison pour avoir entraîné cinq jeunes gens d’une banlieue de la capitale, Bogota, vers un guet-apens mortel.
Ce scandale atteint maintenant les sommets de l’armée. Neuf généraux occupant des postes clés sont impliqués dans ces exécutions ou sous le coup d’enquêtes judiciaires. Le commandant de l’armée de terre nommé par l’actuel président, le général Martinez Espinel, est poursuivi pour 23 exécutions entre 2004 et 2006. Une des victimes était une jeune Indienne de 13 ans. De même, le nouveau chef de l’état-major, le général Navarrete, est responsable de 19 assassinats commis en 2008. Tout ce que l’actuel ministre de la Défense a trouvé à dire à ce sujet a été de rappeler la présomption d’innocence des généraux.
Soixante ans de guerre civile en Colombie ont fait au moins 260 000 morts, dont 215 000 civils. L’accord de paix signé en 2016 avec la guérilla des FARC devait y mettre un terme, mais le président, en fonction depuis août dernier, a été élu par un électorat hostile à cet accord. Il est soutenu par des clans qui étaient en faveur du retour à la vie civile des paramilitaires, mais qui refusent le même sort aux guérilleros. Pour eux, les FARC sont des terroristes et il n’y a jamais eu de guerre civile. C’est la position du nouveau directeur du Centre national de la mémoire, au point que les ONG qui avaient participé à sa mise en place s’en désolidarisent et ont repris les documents déposés.
C’est pourquoi le président tergiverse à poursuivre les démarches découlant de l’accord de paix. Son plan de développement national ne comprend aucun fonds pour mettre en œuvre la réinsertion qui devrait en découler. En revanche, son plan de sécurité prévoit de nommer des informateurs – d’ex-paramilitaires ? – qui signaleraient les crimes éventuels des guérilleros réinsérés.
Il n’y a pas eu de guerre civile, dit la droite, mais elle la continue.