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Iran : les effets de l’embargo américain
Samedi 22 septembre, un attentat contre un défilé militaire à Avhaz, la capitale du Khouzestan en Iran, a fait au moins 29 morts. Le régime des mollahs tente d’utiliser cet attentat pour resserrer l’unité derrière lui, au moment où la population iranienne subit les effets de l’embargo américain, de l’inflation massive et des pénuries, qui s’ajoutent à la corruption.
Revendiqué à la fois par l’État islamique et par un groupe de séparatistes arabes, population majoritaire dans le Khouzestan, cet attentat peut avoir de multiples commanditaires, tant l’Iran est impliqué dans les guerres du Moyen-Orient. En accusant l’Arabie saoudite ou les États-unis de soutenir les terroristes, l’ayatollah Khamenei voudrait détourner la colère des classes populaires qui dénoncent la corruption des dignitaires du régime.
Après les révoltes de janvier, férocement réprimées, de multiples rassemblements de travailleurs, de petits paysans ou de commerçants se sont poursuivis pour obtenir le paiement des arriérés de salaires, la restitution des économies déposées dans des banques en faillite ou dénoncer le chômage. Dans le Khouzestan, des manifestations contre la pénurie et la pollution de l’eau ont visé ceux qui « volent l’eau au nom de la religion ». En mai, puis de nouveau en juillet, les camionneurs se sont mis en grève un peu partout dans le pays. L’essentiel du transport de marchandises est entre les mains de l’État notamment des Pasdaran, les « gardiens de la révolution ». Ils ont le monopole des pièces de rechange, comme les pneus, hors de prix. Travailleurs indépendants, propriétaires de leur camion, les camionneurs sont payés selon les cargaisons avec un tarif fixé par l’État. Ils exigent une augmentation des tarifs de 40 % alors que le gouvernement n’a lâché que 20 % après la grève de mai. Ils dénoncent aussi l’arbitraire et la corruption pour obtenir des commandes.
Comme toute la population, les camionneurs subissent l’effondrement du rial, la monnaie iranienne, après l’annonce de l’embargo américain. Les pires mesures de rétorsion, l’interdiction d’acheter du pétrole iranien et d’utiliser le système bancaire international lié au dollar, n’entreront en vigueur que le 4 novembre, mais les effets économiques et politiques sont déjà là.
Entre février et septembre, le rial a perdu 72 % de sa valeur par rapport au dollar. Le retrait des entreprises occidentales, comme Total qui ne veut pas risquer les sanctions américaines, Air France ou British Airways qui suspendent leurs vols vers Téhéran, accélère le retrait de capitaux étrangers et la pénurie de devises. Cela se répercute sur toute l’économie : la production automobile a chuté de 38 % pour le seul mois d’août. Les dignitaires du régime ayant le monopole du commerce avec l’étranger, Rohani, président de la République islamique, ayant imposé jusqu’en août un taux de change officiel du rial avec le dollar très avantageux, les affairistes proches des mollahs se sont gavés. Ils ont acheté à bas prix des dollars revendus au prix fort sur le marché noir ou encore des téléphones portables importés puis revendus sur le marché intérieur.
Pendant que les riches achètent de l’or et des voitures pour protéger leurs économies, les classes populaires se serrent la ceinture. L’inflation annuelle officielle est passée de 8 à 18 % en six mois. Le prix des fruits et légumes a augmenté de 50 % et même les yaourts sont devenus une denrée inaccessible à certaines familles. Pour l’instant c’est aux mollahs qu’elles en veulent : « Ils ont envoyé leurs enfants aux États-Unis et au Canada, et ils nous appauvrissent un peu plus tous les jours », peut-on entendre sur les marchés de Téhéran. La propagande du régime visant à détourner la colère des classes populaires exclusivement vers les États-unis responsables directs de l’embargo semble ne plus marcher.
Même si les sanctions américaines devaient accélérer la chute d’un régime de plus en plus contesté, comme Trump le prétend, les travailleurs et les pauvres doivent s’organiser eux-mêmes s’ils ne veulent pas payer le prix fort de la catastrophe économique.