Syrie : La répression s'accentue... Les grandes puissances sans solution de rechange27/04/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/04/une-2230.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Dans le monde

Syrie : La répression s'accentue... Les grandes puissances sans solution de rechange

Jeudi 21 avril, le président Bachar Al-Assad a abrogé officiellement l'état d'urgence existant depuis 1963. Mais son ministre de l'Intérieur a aussitôt précisé que les manifestations étaient désormais « strictement interdites ». Et dès le lendemain la répression contre les manifestants qui réclament la fin de la dictature reprenait de plus belle.

La journée du vendredi 22 avril a connu la plus forte mobilisation depuis que la contestation s'est enflammée en Syrie, le 15 mars dernier. Dans plusieurs villes du pays, la population s'est rassemblée ou a manifesté aux cris de « liberté ! » et « le peuple veut la chute du régime ! », notamment à Deraa, où le mouvement a démarré, mais aussi à Homs, pourtant réprimée quelques jours avant, à Hama (la ville où, en 1982, le père de l'actuel dictateur avait réprimé la population soulevée à l'appel des Frères musulmans, rasant au canon le tiers de la ville et assassinant de 15 000 à 30 000 personnes), à Hassaké (en zone kurde) et même dans la capitale Damas. Dans plusieurs villes, les manifestants ont déboulonné les statues du père du dictateur. La répression a été très violente. Amnesty International avance le chiffre de 75 morts et de 350 à 400 morts depuis le 15 mars.

Pour l'essentiel, les informations sur la situation viennent des habitants eux-mêmes ou de militants locaux, car le régime a interdit l'accès du pays aux journalistes. Elles contredisent sa version officielle, qui nie la colère de la population et dénonce de prétendues « bandes armées payées par l'étranger ». Mais toutes les images qui circulent sur Internet, reprises par les télévisions, montrent que les seules « bandes armées » sont les forces répressives du régime, qui n'hésitent pas à tirer sur des foules désarmées, y compris au cours des enterrements. Le régime de Bachar Al-Assad entend donc se cramponner au pouvoir quoi qu'il en coûte au peuple syrien.

Les grandes puissances impérialistes, États-Unis et Union européenne notamment, sont restées discrètes dans la condamnation de cette répression. Tout au plus le secrétaire général des Nations unies a-t-il maintenant demandé une « enquête indépendante sur les raisons de la tuerie » et la porte-parole de l'Union européenne trouvé les violences de vendredi « épouvantables ». Paris a aussi condamné « la violence extrême » des forces de sécurité qui, selon Juppé, « contredit la levée de l'état d'urgence ». Obama, qui au nom des États-Unis expliquait que la levée de l'état d'urgence montrait la bonne voie, a dû convenir que cette annonce n'était pas sérieuse. Mais si tout reste au stade des paroles, il y a une bonne raison. Ces événements surviennent après que Sarkozy a joué sa partie en invitant Assad à un défilé du 14 juillet et qu'en janvier dernier un ambassadeur nord-américain est revenu à Damas, après cinq ans d'absence. Les grandes puissances comptent beaucoup sur le régime syrien dont, malgré les condamnations répétées, elles savent qu'il est un facteur d'ordre dans la région.

Si le régime tient à défendre les intérêts nationaux syriens, il a maintes fois montré sa capacité à agir contre les mouvements populaires, que ce soit au Liban, en Palestine ou en Syrie même. Et au moins, avec le régime syrien, les grandes puissances et Israël savent avec qui ils parlent : avec un interlocuteur qui contrôle son peuple, mais qui contrôle aussi en grande partie ce que font le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien. Alors, si le régime de Bachar Al-Assad s'écroulait, par qui serait-il remplacé et quel serait le nouvel interlocuteur ? C'est bien de cet inconnu qu'ils ont peur, car aucune alternative politique ne se dessine en Syrie, sur laquelle les grandes puissances pourraient espérer avoir une prise.

Les grandes puissances impérialistes sont donc d'autant plus prudentes dans leur condamnation du régime. Ce qui les inquiète n'est pas sa férocité, c'est que la fin de la dictature puisse déboucher sur une véritable explosion des revendications populaires.

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