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- Lutte ouvrière n°2230
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Editorial
Rencontre Sarkozy-Berlusconi : Triste pantalonnade
Sarkozy et Berlusconi se sont rencontrés ce mardi, dans un sommet franco-italien, pour discuter immigration. Sarkozy et Berlusconi sont deux des hommes les plus réactionnaires dans la confrérie des chefs d'État, qui en compte pourtant beaucoup, les adorateurs les plus ouverts aussi du clinquant, de l'argent et de tous ceux qui en possèdent. Ils ont en commun avec les Le Pen père et fille de faire de la démagogie contre l'immigration et les immigrés leur principal argument électoral. Chacun à sa façon s'est emparé de l'immigration tunisienne pour exacerber cette démagogie. Tous de pousser des cris d'orfraie en dépeignant l'Europe comme étant menacée d'être submergée par une vague d'immigration.
Si elle n'était pas aussi abjecte, cette démagogie serait ridicule, bien à l'image des trépignements de ces deux hommes, auxquels il faut ajouter la dynastie Le Pen, qui s'en différencie seulement en poussant des cris plus stridents contre les immigrés, contre ceux qui travaillent, car les riches, ils les aiment, français ou pas.
Les 20 000 Tunisiens dont l'arrivée a déclenché tout ce vacarme, c'est beaucoup pour la petite île de Lampedusa où accostent leurs bateaux après un voyage où ils risquent leur vie, mais ce n'est rien par rapport à la population de l'Italie ou de la France où beaucoup d'entre eux voudraient bien arriver. C'est moins que rien par rapport aux près de 500 millions d'habitants de l'Union européenne.
La « dangereuse vague d'immigration » est un mensonge grossier. Ce qui n'empêche pas Sarkozy et Berlusconi d'organiser un psychodrame autour. Pour faire de la démagogie anti-immigrés, Berlusconi a joué malin : il leur a donné des papiers provisoires leur permettant d'aller ailleurs en Europe en vertu des accords de Schengen. Du coup, Sarkozy a répliqué en bloquant à Vintimille les trains entre la France et l'Italie et menace de suspendre les accords de Schengen.
La liberté de circulation en Europe sans contrôle aux frontières, réglementée par ces accords, est un des rares aspects humainement positifs de l'Union européenne. Pour le reste, l'Europe est faite pour donner la liberté totale de circuler aux marchandises et aux capitaux.
Quel que soit l'accord qui sortira de la rencontre Sarkozy-Berlusconi, chacun aura joué sa petite comédie pour redorer son blason bien terni par leurs frasques respectives et pour faire remonter leurs courbes de sondage.
Une fois l'opération accomplie, ils concocteront, en louchant vers l'extrême droite, d'autres produits toxiques du même genre. De la poudre aux yeux pour tenter de dissimuler une réalité sociale qui se dégrade, le chômage qui s'aggrave d'un côté comme de l'autre des Alpes, la baisse dramatique du pouvoir d'achat, alors que les prix commencent à s'emballer. Toute sorte de choses dont ne sont en rien responsables les 20 000 Tunisiens qui errent désespérément sur les routes pour trouver du travail et un toit. Pas plus que n'en sont responsables l'ensemble des travailleurs immigrés qui, eux, travaillent, produisent des richesses, pendant que les possesseurs de capitaux continuent à exploiter en toute liberté, à bloquer les salaires alors que leurs profits s'envolent, pour placer et déplacer leurs capitaux là où ça rapporte le plus, quitte à fermer des usines et à fabriquer de nouveaux chômeurs.
Le petit duo entre Sarkozy et Berlusconi pourrait n'être qu'une lamentable pitrerie s'il ne se faisait pas sur le dos des immigrés fuyant la Tunisie. Un pays pauvre, parce que pillé non seulement par son dictateur « dégagé » mais bien plus par les capitalistes, les mêmes qui sévissent en France et paient là-bas des salaires bien plus lamentables qu'ici, en y créant encore moins de travail.
Mais ne nous y trompons pas : les victimes de cette agitation démagogique contre les immigrés ne seront pas seulement les candidats à l'émigration en Tunisie. Nous le serons tous ici en France, travailleurs de toutes origines, avec ou sans papiers, car c'est avec cette démagogie, diffusée par Sarkozy comme par les Le Pen et leurs seconds couteaux, qu'on essaie de nous diviser entre travailleurs, de nous dresser les uns contre les autres, de nous affaiblir. Et c'est surtout par cette démagogie, transformant en boucs émissaires les travailleurs immigrés, une partie de nous-mêmes, qu'on voudrait nous empêcher de comprendre que nos seuls ennemis sont ceux qui nous exploitent, les patrons capitalistes, les actionnaires et tous les parasites qui s'enrichissent, même par temps de crise, en aggravant les conditions d'existence du monde du travail.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 26 avril