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Crash du Rio-Paris (suite) : Brouillard en haut lieu et intérêts terre-à-terre
Le « crash du Paris-Rio était évitable » car « sans la panne des sondes Pitot, il n'y aurait pas eu d'accident ». C'est clair, net, précis et argumenté dans le rapport que deux commandants de bord ont remis à la justice. Cela, à la demande du Spaf (syndicat des pilotes d'Air France) qui vient de se porter partie civile dans l'enquête sur le crash du vol AF 447 Rio-Paris où 228 personnes ont trouvé la mort au-dessus de l'Atlantique, le 1er juin dernier.
Ce rapport démontre, documents à l'appui, que la cause déterminante de ce crash est la défaillance des sondes Pitot, qui auraient dû fournir des indications (notamment la vitesse) indispensables aux pilotes et aux appareillages de contrôle du vol. Du coup, il souligne la présentation plus que tendancieuse des faits par les autorités, qu'il s'agisse du BEA (Bureau enquêtes et analyses), de la DGAC (Direction de l'aviation civile), de l'AESA (Agence européenne de sûreté aérienne), et par Air France et, bien sûr, Airbus. En effet, depuis la catastrophe, tous se sont employés à détourner l'attention des sondes Pitot fabriquées par la firme française Thales, qui équipaient notamment les Airbus d'Air France, car d'autres sondes, elles fabriquées par l'américain Goodrich, n'ont jamais connu de panne.
Au fil des semaines, les hypothèses avancées en haut lieu ont varié, mais la plupart laissaient entendre que l'équipage se serait bêtement engagé dans un des pires orages tropicaux de l'histoire aérienne : une « explication » facile, car on n'a pas retrouvé la « boîte noire » de l'appareil qui pourrait la contredire, et comme les pilotes ne sont malheureusement plus là pour se défendre...
D'abord, le rapport souligne qu'Air France n'avait pas fourni à l'équipage des cartes météo actualisées juste avant le vol. Surtout, il pointe du doigt les nombreux ASR (des rapports que les pilotes doivent faire après chaque incident de vol) émis depuis des années, qui mettaient en cause ces sondes Pitot-Thales.
Début juin, on avait officiellement chiffré à 35 le nombre de ces ASR. Depuis, la compagnie américaine NWA en a annoncé douze autres à elle seule ! Surtout, le rapport des deux commandants de bord souligne que ni les autorités de l'aviation civile, ni Air France, ni Airbus n'ont pris des mesures après ces notifications d'incidents, dont certains, comme sur le vol AF 279 Tokyo-Paris, avaient fait des blessés. Et si Air Caraïbes avait pris suffisamment au sérieux ces risques pour décider, après deux alertes durant l'été 2008, de changer les sondes de tous ses appareils, pourquoi d'autres compagnies, dont Air France, n'ont-elles rien fait ?
Ce qui s'est passé le 1er juin avait tout d'une catastrophe annoncée. Il aura fallu qu'elle se produise pour que l'AESA recommande de changer les sondes AA de Thales, puis les interdise. Le modèle BA de Thales, qui a alors remplacé sa sonde AA, ne donnait-il pas satisfaction ? En tout cas, certaines sondes ont dû être remplacées deux fois et tous les Airbus d'Europe et d'Amérique du Nord sont désormais équipés d'au moins deux sondes Goodrich qui, elles, n'ont jamais posé de problème depuis leur mise en service, en 1996.
Pour en arriver là, il aura fallu treize ans, de multiples incidents de vol et les morts du Rio-Paris. Mais encore maintenant, tout se passe comme si du BEA (chargé de l'enquête) à la DGAC (chargée de la sûreté de l'aviation civile en France), d'Air France à Airbus, les responsables, qui sont souvent passés de la direction d'un de ces organismes à celle d'un autre, cherchaient d'abord à protéger les énormes intérêts industriels et financiers en jeu. Ainsi, quand le géant mondial de l'aviation Airbus fête la 1000ème livraison d'un A330-A340, son principal actionnaire privé français, Lagardère, ainsi que son protecteur, l'État et les organismes de l'aviation qui en dépendent, ne souhaitent qu'une chose : tout faire pour qu'Airbus ne fasse pas la une des journaux...