Dans le monde

Iran : grèves pour les salaires et contestation du régime

Une vague de grèves, partie le 22 avril de l’industrie pétrolière et gazière du sud de l’Iran, autour d’Assalouyeh, s’est étendue dans plusieurs villes à d’autres entreprises, en particulier dans la métallurgie.

Cette grève a été préparée par les réseaux militants constitués lors de grèves précédentes. Notamment, un comité des ouvriers du pétrole et de la sous-traitance s’était formé pendant la grève pour de meilleures conditions de travail en 2020, puis celle pour la titularisation des précaires en 2021. D’autres comités informels, comme celui qui a animé la grève des enseignants en 2021, ou des syndicats non officiels, régulièrement réprimés, comme celui de l’industrie sucrière de Haft Tapeh, ont relayé l’appel à la grève. Les liens tissés depuis le 16 septembre et le début de la révolte, ne serait-ce qu’à travers les réseaux sociaux, contribuent à la diffusion des informations occultées par les médias de la République islamique.

Cette « campagne 1402 », comme l’ont baptisée ses initiateurs, a été lancée le deuxième jour du deuxième mois de l’année 1402 du calendrier persan. Ils ont laissé passer la fête importante de Norouz, le Nouvel An persan, puis le Ramadan, afin de déclencher la grève dans les meilleures conditions. Les grévistes ont établi une liste de revendications, dont la principale est une augmentation de 80 % de tous les salaires, y compris ceux des nombreux contractuels. Le gouvernement Raïssi avait proposé 27 %, alors que l’inflation dépasse largement les 50 % par an.

Selon les informations qui circulent sur les réseaux sociaux, la grève semble très suivie parmi les ouvriers des installations du gisement gazier de South Pars, qui rassemble plus de 10 000 travailleurs sur des dizaines d’usines ou de raffineries. Elle s’est étendue à de grandes usines du pétrole et de la métallurgie à Kerman, Yadz, Ispahan ou Shiraz. Les revendications sont celles de millions de travailleurs iraniens, tous secteurs confondus. Confrontés à la cherté de la vie, aux pénuries et à la corruption du régime, en même temps qu’aux salaires trop faibles, ils ont toutes les raisons de se joindre à la lutte.

Cette grève démarre alors que le régime reste contesté, malgré la dure répression déployée. Les images d’un étudiant, pourtant issu de la milice pro-régime des Bassidjis, coupant la parole au Guide de la révolution, Ali Khamenei, lors d’une conférence, ont fait le tour du monde. Une vidéo montrant un jeune couple dansant devant la tour Azadi à Téhéran, la jeune femme cheveux au vent, s’est répandue sur les réseaux sociaux. Malgré les risques – le jeune couple a été condamné à dix ans de prison – d’autres jeunes défient le régime dans différentes villes du pays. Des milliers de parents accusent le pouvoir d’avoir laissé organiser, sinon ordonné, les empoisonnements au gaz qui ont frappé des écolières ces dernières semaines. Ces empoisonnements, qui visent à effrayer les jeunes filles, en première ligne pour refuser le port du voile et crier « Mort au dictateur », prouvent que le feu couve toujours. Les actes de défi indiquent que la révolte peut repartir à tout moment.

La « campagne 1402 » montre la capacité d’organisation et le rôle social et économique indispensable des travailleurs en Iran, bien au-delà du secteur pétrolier. Cette combativité et ce poids en font une force qui pourrait prendre la tête de la révolte contre le régime, sans la laisser récupérer par les diverses coalitions, toutes respectueuses de l’ordre social, qui s’agitent en exil.

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