Angers : Les Prud'hommes sanctionnent l'Éducation nationale27/04/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/04/une-2230.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Leur société

Angers : Les Prud'hommes sanctionnent l'Éducation nationale

Le lycée David-d'Angers, qui dans l'affaire n'est que le prête-nom de l'inspection académique du Maine-et-Loire, a été condamné à verser à chacun des 28 salariés qui le poursuivaient devant les Prud'hommes une somme d'environ 14 000 euros, pour licenciement abusif et non-respect de ses obligations de formation.

En 2006, l'Éducation nationale avait embauché plus de 30 000 personnels précaires pour apporter une aide administrative aux directeurs d'école. Pour ces embauches, l'État a eu recours à des contrats aidés, les contrats d'avenir (CAV), mis en place quelques mois plus tôt. Ces contrats sont de droit privé et non de droit public, ce qui théoriquement exclut les services de l'État de ce dispositif. Mais l'État ne s'était pas gêné pour y recourir, d'autant qu'il s'agissait, un an avant la présidentielle de 2007, de faire diminuer artificiellement les chiffres du chômage.

Ces personnels ont donc été recrutés comme emplois de vie scolaire (EVS) pour 26 heures par semaine, avec un salaire mensuel d'environ 900 euros net par mois, pour un premier contrat d'un an renouvelable deux fois pour la majorité d'entre eux. Ils ont été affectés dans des écoles, mais leur employeur officiel était le chef d'établissement d'un collège ou d'un lycée, l'Éducation nationale en tant que telle ne pouvant pas recruter des contrats de droit privé.

En Maine-et-Loire, plus de 300 EVS ont ainsi été recrutés. Leur contrat d'avenir prévoyait explicitement une obligation de formation à la charge de l'employeur, dans la perspective de leur réinsertion professionnelle. Ils ont à plusieurs reprises manifesté pour revendiquer leur embauche définitive et pour exiger le respect de l'obligation de formation.

Fin 2009, ces travailleurs, qui avaient épuisé leurs possibilités de renouvellement, ont perdu leur emploi. Ils ont alors décidé, avec l'appui de la FSU, de la CGT et de SUD, de porter plainte devant les Prud'hommes. Ils demandaient une indemnisation pour le préjudice que constituait cette absence de formation, mais aussi une requalification de leur contrat en contrat à durée indéterminée, en raison du non-respect par l'employeur d'une disposition essentielle prévue par le contrat de travail.

Lors de la première audience des Prud'hommes d'Angers consacrée à cette affaire, le procureur de la République s'est déplacé en personne pour présenter au nom du préfet de Maine-et-Loire un « déclinatoire de compétence » : il s'agit d'une possibilité pour le préfet de contester la compétence d'une juridiction, prévue par une ordonnance de... Charles X en 1828 ! En l'occurrence, le préfet demandait le dessaisissement des Prud'hommes au profit du tribunal administratif de Nantes, au prétexte que l'employeur était de droit.

Les Prud'hommes ont refusé et se sont déclarés compétents. L'État a alors « élevé le conflit » devant une juridiction composée à parité de juges à la Cour de cassation et au Conseil d'État. Ce tribunal a confirmé la compétence des Prud'hommes. Cette obstination à transférer cette affaire montre que les services de l'État se savaient dans leur tort sur la question de la formation et redoutaient manifestement la requalification des contrats en CDI.

Finalement le conseil des prud'hommes a condamné l'employeur à verser 4 000 euros par personne pour absence de formation, à requalifier tous les contrats en CDI (ce qui ouvre droit à environ 3 000 euros d'indemnités) et à verser aux 26 EVS concernés environ 6 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. L'employeur est par ailleurs condamné aux dépens et à verser 900 euros par salarié pour leurs frais d'avocat.

Deux des 28 EVS sont encore en poste dans une école à ce jour. Elles voient donc leur contrat transformé en CDI.

Ce jugement fait beaucoup de bruit dans l'Éducation nationale. Au final, il pourrait concerner plusieurs dizaines de milliers de membres du personnel. Il n'est donc pas dit que l'État en ait fini avec cette affaire.

Les services de l'État emploient près d'un million de personnes en emploi précaire, contractuels ou vacataires, corvéables à merci. Que l'État soit sanctionné pour avoir utilisé de manière illégale des contrats précaires est un juste retour des choses.

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