Atos : derrière la souveraineté, les petites affaires entre amis01/05/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/05/une_2909-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Atos : derrière la souveraineté, les petites affaires entre amis

En annonçant que l’État allait racheter les activités « souveraines » du groupe informatique Atos, menacé de faillite depuis des mois, Bruno Le Maire vole au secours de ses actionnaires.

Atos est un groupe de services numériques, qui fabrique des supercalculateurs, installe des systèmes de gestion ou de stockage de données numériques. Parmi d’autres choses, il gère les outils numériques permettant de simuler les essais nucléaires, le fonctionnement des centrales nucléaires, les systèmes de certains équipements militaires ou encore ceux des Jeux Olympiques. Atos emploie 100 000 salariés dans le monde, dont 10 000 en France.

Pendant onze ans, entre sa sortie du ministère de l’Économie sous Sarkozy et sa nomination comme commissaire européen chargé du Marché intérieur, le PDG d’Atos était Thierry Breton. En 2020, Édouard Philippe, ancien Premier ministre de Macron, est devenu président de son conseil d’administration. Autrement dit, les liens entre l’appareil d’État français, les institutions européennes et les dirigeants et actionnaires d’Atos sont nombreux et intimes.

À la tête d’Atos, Thierry Breton a réalisé des acquisitions à tour de bras, rachetant notamment, pour plusieurs milliards d’euros, les activités informatiques de l’allemand Siemens ou des américains Xerox et Syntel. La spéculation aidant, le cours des actions d’Atos s’est alors envolé, portant la valeur du groupe à plus de 10 milliards d’euros quand, en 2019, Thierry Breton a été nommé à la Commission européenne. Entre-temps, il était devenu multimillionnaire.

Mais les déboires ont succédé à l’euphorie. La dette contractée pour racheter des concurrents et les aléas du marché ont poussé des actionnaires à quitter le navire. Le cours des actions et la valeur d’Atos se sont effondrés. Le groupe vaut aujourd’hui moins d’un milliard d’euros, avec presque 5 milliards de dette.

Ses dirigeants sont donc à la recherche de nouveaux financiers pour racheter la dette et les actions. Sur les rangs se trouve aujourd’hui l’actionnaire principal, David Layani, et surtout le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, le même qui vient de racheter le groupe Casino.

Et voilà que, au nom de la souveraineté nationale, députés et ministres se sont émus qu’un milliardaire étranger puisse posséder une entreprise qui gère l’informatique militaire ou celle des centrales nucléaires. Cela a justifié l’intervention rapide de Le Maire, au nom de l’État, pour racheter les secteurs dits stratégiques ou souverains. Il a ainsi libéré la voie pour que Kretinsky, Layani ou d’autres milliardaires puissent racheter le groupe avant de le dépecer pour n’en garder que les morceaux les plus rentables.

Les dizaines de milliers de travailleurs, vendus avec les murs, en feront immanquablement les frais. Les Thierry Breton, Édouard Philippe ou Bruno Le Maire, eux, sableront le champagne avec les grands bourgeois qu’ils servent ou qui les servent.

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