Catastrophe de Brétigny : la SNCF condamnée02/11/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/11/2831.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Catastrophe de Brétigny : la SNCF condamnée

Le jugement vient d’être rendu dans le procès de la catastrophe de Brétigny, où le déraillement du train Paris-Limoges en juillet 2013 avait causé la mort de sept personnes et fait plusieurs centaines de blessés.

Reconnue coupable des délits « d’homicide et blessures involontaires », la SNCF a été condamnée à une amende de 350 000 euros et à verser aux victimes des dommages et intérêts de 3,3 millions d’euros. Le cheminot, qui était la seule personne physique incriminée, a été relaxé, ainsi que SNCF Réseau.

La responsabilité de la SNCF n’a fait aucun doute. Ce déraillement avait été provoqué par le basculement d’une éclisse, une pièce d’aiguillage. Les juges ont vérifié que l’accident provient bien de la dégradation d’une fissure, pourtant décelée par les agents depuis 2008, soit cinq ans avant l’accident. De plus, le jugement pointe la « succession de négligences relatives à la dérive du rythme de visites annuelles depuis le 18 juin 2010 et à l’absence de démontage des éclisses ». « Cette conjonction de négligences fatales s’inscrit dans un contexte de banalisation de l’urgence, de récurrence des aléas et de désorganisation chronique auquel les agents ont été contraints de s’adapter au prix d’incuries dont une, réitérée au fil des ans, a déterminé l’accident ».

Ces incuries ont une origine : la gestion capitaliste des transports qui se traduit par des économies à tout crin sur le personnel et le matériel afin de dégager le maximum de profit. Entre 2000 et 2012, la brigade d’entretien des voies de Brétigny a été divisée par deux. À l’échelle du pays, 5 000 emplois de cheminots ont été supprimés entre 2000 et 2021 dans l’entretien d’un réseau pourtant largement obsolète.

Sans gêne, la direction a obstrué l’enquête et tenté de faire porter le chapeau aux agents d’exécution. La mise sur écoute des cadres de la SNCF, ordonnée par le juge d’instruction en raison de l’obstruction, a par exemple révélé cette consigne donnée au responsable de la Maintenance par une responsable de son service juridique : « On est bien d’accord que sur Brétigny […] y’avait un problème au niveau des agents, hein ! En bas. Ça c’est clair et net. »

Le jugement a heureusement totalement blanchi le cheminot, âgé de 24 ans au moment des faits, poursuivi pour n’avoir pas décelé le desserrage de boulons alors qu’il effectuait seul une tournée d’inspection de 8,5 kilomètres de voies une semaine avant l’accident.

Mais il était la seule personne physique à être inculpée et à risquer la prison ferme, alors qu’il était victime et non responsable de ces décisions. En revanche Guillaume Pepy, qui a supprimé 22 000 emplois en tant que PDG de la SNCF de 2008 à 2019 et laissé à l’abandon des milliers de kilomètres de voies, n’était pas poursuivi personnellement par la justice. Il poursuit aujourd’hui sa carrière de liquidateur d’emplois à la tête du groupe Orpea.

Les dirigeants et actionnaires des groupes publics ou privés sont largement protégés par la responsabilité juridique de l’entreprise qu’ils dirigent, contrairement à leurs salariés. Quand leur entreprise est tout de même condamnée, c’est en tant que « personne morale », avec, comme dans le cas de Brétigny, des amendes et indemnités bien inférieures au bénéfice réalisé aux dépens des cheminots et des usagers, et parfois au prix de leur vie.

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