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Maroc : élections sous influence
Au Maroc, les élections du 8 septembre, législatives, régionales et communales, ont entraîné l’effondrement du PJD, le parti islamiste qui était à la tête du gouvernement depuis 2011, ainsi que le succès d’un des partis de la monarchie, le RNI.
En perdant 90 % de ses députés, le parti islamiste (PJD, Parti de la justice et du développement) a payé sa gestion loyale des affaires de la bourgeoisie et du roi pendant ses années à la tête du gouvernement, de 2011 à aujourd’hui. C’est lui qui a démantelé les subventions sur les produits de première nécessité, ce qui a conduit à d’importantes hausses des prix. C’est lui encore qui a instauré le remplacement systématique des employés de la fonction publique par des contractuels. Ses partisans ne lui ont pas non plus pardonné la récente normalisation des relations avec Israël, que le chef PJD du gouvernement, El Otmani, a avalisée sans discuter.
C’est un parti très proche de la monarchie, le Rassemblement national des indépendants (RNI), qui a remporté les élections législatives, en obtenant 102 députés sur 395. Il faut dire qu’il a mis les moyens pour convaincre les électeurs et n’a pas été gêné par le pouvoir dans ses activités de campagne. Il était en service commandé, avec pour mission de dégager le PJD du gouvernement.
Comme d’habitude lors des élections au Maroc, il a d’abord mobilisé son réseau de notables, en particulier dans les campagnes, qui sont bien plus allées voter que les villes (aux alentours de 75 % de votants pour une moyenne nationale de 50 %). L’argent a coulé à flots, de la part du RNI mais aussi d’autres partis, pour « convaincre » les électeurs de bien voter, ou même pour trouver des candidats pour les listes locales. Plus recherchées que les hommes pour compléter les listes électorales, certaines femmes auraient pu obtenir jusqu’à 4 000 dirhams (380 euros) pour accepter d’être candidates.
Pour le RNI, les mesures Covid n’ont pas non plus été trop strictes. Alors qu’elles étaient censées interdire les rassemblements de plus de 25 personnes, le RNI a pu sillonner le pays avec ses caravanes de voitures et faire de vrais meetings. Il a aussi saturé les médias de sa présence.
Dans la foulée des élections, le roi a nommé comme Premier ministre le chef du RNI, son grand ami Aziz Akhannouch. Milliardaire, deuxième fortune du pays après le roi lui-même, c’est un vieux routier de la politique, qui a été à la tête du puissant ministère de l’Agriculture durant quatorze ans. Possédant les stations d’essence Afriquia, nombreuses au Maroc, il a étendu son empire à la distribution gazière, au tourisme, au nouveau port à conteneurs Tanger Med, ou encore à la production d’oxygène, si précieuse en ces temps de Covid.
Akhannouch est bien représentatif du capitalisme à la marocaine, autant basé sur l’exploitation des travailleurs que sur les facilités dues à la proximité avec le pouvoir royal. Sans remonter à son père, déjà lié à Hassan II, Aziz Akhannouch s’est vu reprocher d’avoir bien profité de la libéralisation des prix des carburants décidée en 2015 par un gouvernement auquel il participait. Les stations d’essence Afriquia ont été ciblées par le mouvement de boycottage de 2018, qui a duré des mois, comme celui des produits laitiers de Danone et de l’eau Sidi Ali, ces trois groupes étant accusés d’être en situation de quasi-monopole et de pratiquer des prix excessifs.
Un milliardaire à la tête du royaume, un autre à la tête du gouvernement et d’une Assemblée fantoche, où le PJD a été remplacé par le RNI : il n’est pas étonnant que tous les dirigeants impérialistes se soient félicités du bon déroulement des élections. Quant au peuple marocain, il n’avait comme d’habitude rien à en attendre.