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Leur société
Harkis : pardon tardif et calcul électoral
« Je demande pardon, nous n’oublierons pas ». Avec ces mots prononcés le 20 septembre, Macron a voulu présenter des excuses officielles aux familles de harkis, les supplétifs de l’armée française en Algérie, abandonnés ou traités en parias.
En 1962, lors de l’indépendance, 250 000 hommes algériens qui avaient été enrôlés soit dans l’armée régulière, soit dans des troupes supplétives, les harkas, soit comme petits notables de l’administration française se retrouvent abandonnés. Engagés parfois par choix, mais le plus souvent à la suite des hasards et des retournements d’une sale guerre coloniale, ces hommes et leurs familles, soit plus d’un million de personnes, se retrouvaient piégés. En les abandonnant sur place avec le plus grand cynisme, le pouvoir de De Gaulle les livrait à des massacres prévisibles.
Moins de 90 000 ont réussi à fuir. En France, les familles de harkis ont été enfermées jusqu’au début des années 1970 dans des camps infâmes, comme ceux de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales ou de Bias dans le Lot-et-Garonne, ou encore parqués dans des « hameaux de forestage », privés de liberté, soumis au couvre-feu. Il a fallu la révolte d’enfants de harkis, en 1974, pour fermer les derniers camps. Le pardon demandé aux harkis n’est pas volé !
Les regrets pour la politique coloniale de la France sont toujours soigneusement mesurés. Ce pardon, Macron n’a pas daigné le demander pour les nombreux crimes commis par les gouvernements français au cours des 130 années de colonisation de l’Algérie et pendant la guerre d’indépendance, entre 1954 et 1962. Il en a tout au plus reconnu quelques-uns, comme la mort, sous la torture des parachutistes français, du communiste Maurice Audin. Il n’a pas demandé pardon aux familles des centaines d’Algériens, sympathisants du FLN, assassinés en plein Paris par la police française le 17 octobre 1961. Ni Macron ni aucun président n’a jamais demandé pardon aux centaines de milliers de jeunes appelés du contingent, ceux qui ont eu vingt ans dans les Aurès, envoyés risquer leur vie dans une guerre sans nom, d’où beaucoup sont rentrés marqués à vie et atteints par le poison du racisme.
Autant dire que le pardon de Macron est sélectif, pesé au trébuchet à quelques mois de la présidentielle, pour tenter de gagner quelques voix. Les descendants des harkis représentent aujourd’hui 500 000 électeurs. Depuis longtemps, leur cause et la tragédie qu’ils ont vécue sont instrumentalisées par une partie de la droite et par l’extrême droite. Le sort des harkis sert encore de caisse de résonance à tous ceux qui n’ont jamais digéré l’indépendance de l’Algérie. Parmi eux, on trouve une fraction des pieds-noirs, les colons européens installés en Algérie, qui ont dû fuir le pays en perdant tout ou presque. Cela fait des électeurs potentiels.
En prétendant éteindre les plaies du passé, Macron réussira peut-être un coup politique. Mais le cynisme et la brutalité de l’impérialisme français ne sont pas seulement du passé. Des femmes et des hommes qui, par nécessité ou par choix, ont lié leur sort à celui des Occidentaux, dont la France, se voient régulièrement abandonnés après usage, comme on l’a encore vu récemment à Kaboul.