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- Lutte ouvrière n°2696
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La société en crise
Pénurie de médicaments : à cause du profit
« Il y a potentiellement une pénurie de médicaments de réanimation à venir », a déclaré Bruno Riou, directeur médical de crise de l’AP-HP. L’inquiétude porte en premier lieu sur les curares, utilisés pour relaxer les muscles au moment de l’intubation. Depuis un an, les ruptures de stock se multiplient.
Outre le curare, ce sont des anesthésiants, et même des médicaments aussi courants que le Doliprane ou l’Augmentin (en sachet), qui viennent à manquer.
Récent, ce phénomène est toutefois bien antérieur à l’épidémie. Pourquoi ces ruptures ? Est-ce la faute à la mondialisation, à la Chine comme le disent certains ? Non, la faute en est à l’organisation capitaliste de la production et à la domination des trusts pharmaceutiques.
En août dernier, Mediapart révélait que, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 868 médicaments avaient été en rupture ou en tension en 2018. C’est près de vingt fois plus qu’en 2008 où l’on ne comptait que 44 ruptures !
Depuis les années 1990, les trusts ont fait le choix de produire le principe actif des médicaments surtout en Chine, où les salaires sont plus bas et les réglementations sanitaires pour les travailleurs et l’environnement moins contraignantes qu’en Europe. Aujourd’hui, 80 % sont produits en Chine et en Inde, pays qui fabrique aussi 60 % des vaccins utilisés dans le monde.
Bien souvent, le principe actif des médicaments n’est produit que par une seule entreprise : le moindre grain de sable peut entraîner très vite une pénurie. D’autant que la production, comme dans toute l’industrie, se fait à flux tendu avec le minimum de stocks.
Les pénuries peuvent être dramatiques pour les patients, comme pour cet antiparkinsonien, fabriqué par le géant MSD, qui a été absent des pharmacies pendant sept mois. Cela lui a valu en France une amende de 350 000 euros, une goutte d’eau pour ce groupe qui fait 40 milliards de chiffre d’affaires.
Ces pénuries de médicaments, parfois basiques, sont bien dues à une organisation capitaliste de la société, où ce qui domine n’est pas l’intérêt collectif mais l’intérêt privé de ceux qui possèdent les usines et décident de produire là où cela leur rapporte le plus. À tel point que des classes entières de médicaments, comme des antibiotiques ou de vieux médicaments, peu chers mais bien utiles, sont délaissées par les laboratoires.
C’est cet ordre des choses là qu’il faut remettre en cause, pour qu’aux catastrophes naturelles et aux épidémies, qui font partie de la vie, ne se rajoutent pas des catastrophes sociales.