Hôpitaux de Paris : en pleine tourmente01/04/20202020Journal/medias/journalarticle/images/2020/04/P10_Balcon_1_taille_6x5_C_LO.jpg.420x236_q85_box-0%2C72%2C800%2C522_crop_detail.jpg

La société en crise

Hôpitaux de Paris : en pleine tourmente

Les services de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) se remplissent de malades du Covid-19, et les problèmes d’effectif se posent, comme tout au long de l’année. L’effectif est calculé au plus juste : un binôme infirmier/aide-soignant pour cinq ou six patients. Mais si quelqu’un est malade ou si la demande d’une intérimaire n’a pas été honorée, les collègues se retrouvent devant le fait accompli et doivent gérer la journée avec une personne en moins.

Illustration - en pleine tourmente

Les règles d’habillage et de déshabillage établies pour le personnel en contact avec un patient infecté n’ont cessé de s’adapter, non en fonction des besoins, mais en fonction des stocks de matériel. À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, les masques sont distribués au compte-gouttes à raison de deux masques chirurgicaux et un masque FFP2 par personne pour la journée. Cela rend les gestes compliqués et limite les possibilités de se poser et de prendre une collation. En réanimation, ce n’est pas mieux, comme dit une infirmière de l’hôpital Beaujon : « On a eu deux masques FFP2 par jour, par 12 heures. Il faut faire un choix une pause-café ou une pause déjeuner, avec deux masques on a pas le droit aux deux. »

Mais l’autre scandale est la pénurie de surblouses ! Des formations ont été faites pour expliquer comment les retirer en sortant de chaque chambre. Or, devant le peu de stocks dans les services d’hospitalisation classique, les cadres donnent deux surblouses par personne et une seule pour la nuit. Il faut utiliser la même pour chaque tournée de cinq ou six patients, à raison de deux tournées théoriques par jour. Afin de coller malgré tout aux recommandations, il faut mettre en plus des tabliers en plastique qui sont changés entre chaque chambre. Mais même les deux tournées quotidiennes relèvent du virtuel : en réalité, il faut entrer dans les chambres plus de deux fois par équipe, sans pouvoir changer la surblouse.

Un autre problème de taille va se poser. Pour endormir les patients et les maintenir dans cet état le temps nécessaire, il faut des drogues spéciales. Celles-ci sont maintenant « en tension » c’est-à-dire au bord de la rupture de stock ; elles sont donc données en petite quantité et il faut en redemander sans cesse.

À Beaujon, dans les unités du Covid-19, le lavage des sols a été confié aux aides-soignantes, mais aucun matériel n’a été prévu pour cela. Alors, c’est la débrouille, qui alourdit la charge de travail.

Les informations données sont rares et fluctuantes. Il y a en permanence des réorganisations de services. Par exemple, à Saint-Antoine, le service de Gastro a vu la plus petite de ses deux ailes se transformer en secteur dédié au Covid-19, avec une pharmacie à créer car il n’y en avait qu’une et un seul chariot d’urgence pour les deux ailes. Tout est fait à la va-vite.

À la Pitié-Salpêtrière, un service d’ambulatoire avec son bloc va poursuivre l’extension de son ouverture en réanimation. Mais cela ne s’improvise pas et il ne suffit pas d’avoir des respirateurs ; il faut de nouveaux matériels qu’il n’y a pas en grande quantité dans les blocs, entre autres des pousse-seringues électriques. Alors il est demandé aux réanimations de l’hôpital d’en céder à ce nouveau secteur, obligeant les médecins à revoir leurs modalités de prescription.

À Saint-Antoine, les vacances d’avril ont été annulées dans plusieurs services sans prévenir le personnel qui le découvre sur l’Intranet. À la Pitié-Salpêtrière, tous les congés annuels et les RTT ont été supprimés « jusqu’à nouvel ordre ».

Partout, les collègues commencent à être inquiètes. Elles ont peur de ramener des virus chez elles et certaines se posent la question de prendre un appartement près de l’hôpital. Il y a peu d’informations concernant les transports. Venir de loin est une galère ; les bons de taxis et d’essence nécessitent des démarches insupportables.

Malgré cela, les hospitaliers ne ménagent pas leurs heures. Témoin ce soignant de 26 ans qui vient une heure avant les autres, car il habite près de l’hôpital. « Je viens pour faire le plein [mettre le matériel dans les tiroirs] dans le service, car on est dans le jus, et je pense aux collègues qui sont mamans et qui habitent loin. »

Dans tous les services, la solidarité entre travailleurs se renforce. Au sortir de l’épreuve, cette solidarité ne devra pas s’éteindre mais devenir une arme puissante pour faire payer le gouvernement et le patronat, responsables de l’état de délabrement des hôpitaux publics.

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