Il y a 70 ans, le débarquement et ses victimes : Des massacres décidés froidement11/06/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/06/une2393.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a 70 ans, le débarquement et ses victimes : Des massacres décidés froidement

Lors des célébrations officielles, des hommages ont été rendus aux soldats alliés morts au cours du débarquement ainsi qu'aux civils victimes des bombardements. Mais les soldats qui ont débarqué sur les côtes françaises le 6 juin 1944 et y ont laissé la vie ont aussi été délibérément sacrifiés par les gouvernements alliés. Et les combattants alliés, Américains, Britanniques et Canadiens, furent accueillis par une population préalablement écrasée sous les bombes.

De froids calculs établis par l'état-major militaire allié avaient conclu que, pour mettre le pied sur les plages normandes, il fallait envoyer plus de matériel que les troupes allemandes n'avaient la possibilité d'en détruire, et surtout plus d'hommes qu'elles n'étaient capables d'en tuer.

Une première tentative de débarquement avait été effectuée à Dieppe près de deux ans auparavant, le 19 août 1942. L'histoire officielle est restée beaucoup plus discrète sur cet événement qu'elle ne l'a été pour le 6 juin 1944, car toutes les conditions étaient réunies pour qu'il mène à un massacre inutile. Six mille hommes, en grande majorité des jeunes Canadiens sans aucune préparation militaire, avaient été lancés le 19 août 1942 sur des plages de galets sur lesquelles les chars eux-mêmes ne pouvaient avancer, cernées de falaises abruptes d'où les défenses allemandes mitraillaient les soldats. En quelques heures, près des deux tiers des hommes furent hors de combat, tués, blessés ou prisonniers. Ce fut un carnage, prévu et perpétré de sang froid par les Alliés, dont le but n'était pas alors de prendre pied en Normandie mais de tester la résistance ennemie.

C'est fort de cette « expérience » que le 6 juin 1944 l'état-major allié fit débarquer ou parachuter près de 200 000 soldats, appuyés par un appareil militaire impressionnant, avions, véhicules terrestres, bombes et armes de destruction. En une seule journée de combats, le nombre de pertes humaines (tués, blessés, disparus ou prisonniers) fut estimé à plus de 10 000 parmi les troupes alliées, et autant au sein des forces allemandes, chiffre beaucoup moins cité.

Parmi la population civile, dans la bataille de Normandie qui suivit le débarquement, ce fut aussi un carnage. Caen, Le Havre, Cherbourg, Falaise et nombre de villes sans aucune importance stratégique furent rasées sous « une pluie de feu, de fer, d'acier, de sang », comme l'écrivit Prévert à propos de Brest. En quelques semaines, quelque 30 000 civils furent tués en Normandie, les survivants errant sur les routes à la recherche d'un abri et de nourriture.

Pendant longtemps, l'histoire officielle a été très discrète sur ces massacres de populations, affirmant que les morts civils étaient le prix à payer pour parvenir à la libération du pays. Certains historiens commencent tout juste à reconnaître que les bombardements systématiques des villes étaient inutiles sur un plan stratégique. Effectivement, leur but avait été clairement défini dès 1942 par le gouvernement britannique, quand ils avaient été décidés sur les villes allemandes : il fallait « détruire le moral de la population ennemie et, en particulier, celui des travailleurs de l'industrie ».

Les dirigeants des puissances impérialistes craignaient de se trouver à la fin de la guerre face à une situation révolutionnaire, comme celle qui avait marqué la fin de la Première Guerre mondiale, d'une ampleur plus grande encore dans une Europe ravagée par la guerre, où les souffrances endurées par les peuples avaient été bien supérieures. Dans cette perspective, les bombardements massifs avaient pour objectif de vider les villes, de disperser leurs habitants en les terrorisant, afin d'éviter tout regroupement concerté qui puisse contester leur domination, en premier lieu parmi la classe ouvrière.

Les hommes, les femmes et les enfants écrasés sous les bombes ne furent pas des « dommages collatéraux », comme on le dit aujourd'hui : ils en étaient bien un des objectifs.

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