Des militants de diverses obédiences, notamment du Mouvement pour l'indépendance de la Kabylie (MAK), ont pu prendre la parole pour dénoncer « le climat de terreur contre ceux qui ne jeûnent pas » et protester contre « l'islamisation rampante du pays ». Des jeûneurs se sont associés au rassemblement, « par respect de la liberté de conscience ». Malgré les craintes des organisateurs, aucun incident n'a émaillé ce rassemblement, achevé au bout d'une heure et dispersé dans le calme, sous les yeux de nombreux membres des services de sécurité en civil.

Au même moment, près de Béjaïa, située à une centaine de kilomètres à l'est de Tizi-Ouzou, une centaine de personnes prenaient part à un rassemblement de non-jeûneurs, organisé par un comité citoyen local engagé pour « la liberté de conscience et le droit à la différence ». L'un des intervenants expliquait : « Jeûner ou non, c'est une affaire personnelle et personne n'a le droit d'imposer sa vision des choses. » Un autre rassemblement de solidarité a eu lieu le même jour devant le consulat d'Algérie à Montréal, où vit une forte communauté algérienne.

Ces diverses initiatives ont été organisées en réaction à une descente de gendarmes dans une cafétéria de Tifra, un village près de Tizi-Ouzou, où ils ont photographié les non-jeûneurs, pris les noms des clients et confisqué ses papiers au tenancier. Devant la menace d'un sit-in des habitants du village, révoltés par la volonté d'intimidation des gendarmes, ces derniers ont promis de lever les poursuites.

Si les rassemblements ont été organisés en Kabylie et si nombre de non-jeûneurs sont issus de la minorité berbère, c'est que celle-ci est pour l'instant restée plus laïque que le reste de la population. Les politiques d'arabisation imposées à la Kabylie par le gouvernement depuis l'indépendance du pays en 1962, et qui ont suscité de nombreux et puissants mouvements de contestation dans la région, y sont certainement pour quelque chose. Mais le sentiment de ras-le-bol général contre l'autoritarisme des institutions et du gouvernement est partagé par de larges couches de la population algérienne dans son ensemble.

Certes, les initiatives des non-jeûneurs n'ont pas manqué d'être dénoncées par les autorités comme étant une provocation, et par nombre d'islamistes qui ont été prompts à réagir, tel l'ancien numéro deux du FIS, Ali Benhadj, qui a organisé le lendemain même une contre-manifestation. D'autres islamistes ont lancé le 5 août des invitations à rompre le jeûne symboliquement sur la place même où s'étaient réunis les non-jeûneurs. Mais leur entreprise a fait chou blanc et c'est tant mieux.

Les rassemblements de non-jeûneurs ont au contraire rencontré une certaine sympathie dans la population. Même s'ils sont restés minoritaires, ils apportent une bouffée d'air à tous ceux qui étouffent sous le poids de la bigoterie islamique et constituent une victoire, au moins symbolique, contre l'obscurantisme et l'intolérance.