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- Lutte ouvrière n°2296
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Syrie : Grandes manoeuvres pour l'après-Assad
Depuis plusieurs jours, c'est une bataille furieuse qui se déroule autour d'Alep, en Syrie. Après que les forces de l'Armée syrienne libre ont occupé la ville, l'armée du régime de Bachar Al Assad tente de l'en déloger et, comme d'habitude, elle n'hésite pas sur les moyens, bombardant des quartiers entiers sans aucun égard pour la population civile qui ne trouve de solution que dans la fuite.
Alep est non seulement la seconde ville de Syrie et considérée comme sa capitale économique, elle offre aussi l'avantage de se trouver non loin de la frontière turque et il semble que les insurgés, au moins pour un temps, aient réussi à contrôler la route de quelques dizaines de kilomètres qui y mène, pouvant ainsi acheminer troupes et matériels depuis la Turquie. Ainsi ils pourraient contrôler une partie du territoire syrien et transformer l'affrontement avec l'armée d'Assad en guerre de positions.
À un an et demi du début des manifestations contre le régime, l'affrontement a donc bien changé de nature, mettant de plus en plus face à face deux appareils militaires qui ne se soucient guère des conséquences pour la population. « L'Armée syrienne libre », clairement dominée par des militants islamistes, cherche à s'imposer comme le bras armé de l'opposition à Assad. Elle bénéficie de l'aide de l'Arabie saoudite et des Émirats qui l'aident à se procurer des armes, et aussi visiblement de plus en plus de l'aide de la Turquie.
Nul ne peut dire encore combien de temps durera l'affrontement, mais il est sûr que d'intenses manoeuvres sont en cours pour préparer l'après-Assad. Fin juin, la chute d'un avion turc, entré dans l'espace aérien syrien et centré par un missile, a entraîné la mobilisation des troupes turques à la frontière syrienne. Mais en fait, on a su à ce propos que des navires de différents pays de l'OTAN, dont la Turquie et les États-Unis, menaient des manoeuvres au large de la Syrie pour être prêts à toute éventualité.
Les dirigeants occidentaux excluent encore d'intervenir directement en Syrie, mais en revanche ils veulent être prêts à le faire si cela s'avère nécessaire quand le régime d'Assad s'écroulera. S'ils n'étaient pas pressés de voir la fin d'un régime qui au fond leur a rendu bien des services et contribué à une certaine stabilité de la région, ils sont maintenant convaincus qu'elle finira par arriver. Ils voudraient se donner les moyens de contrôler ce qui se passera alors, quitte à devoir trouver un accord avec le principal protecteur du régime d'Assad jusqu'à présent : la Russie.
Quant aux dirigeants turcs, leurs troupes sont déjà prêtes à intervenir, d'autant qu'ils ont déjà manifesté leur inquiétude devant le fait que les régions kurdes de Syrie, le long de leur frontière, commencent à mettre en place des milices. Ils ne voudraient pas qu'un Kurdistan de Syrie, devenu autonome, puisse fournir un point d'appui aux autonomistes kurdes de Turquie. En même temps des contacts sont en cours avec les différents représentants de l'opposition syrienne pour tenter de préparer une solution de rechange à Assad. Enfin, le ministre des Affaires étrangères turc a déclaré qu'il se faisait fort de trouver à l'actuel dictateur de Damas un refuge où il pourrait couler une retraite paisible à l'instar de Ben Ali et de quelques autres.
Toutes ces manoeuvres butent encore sur un obstacle essentiel : Assad n'a pas manifesté l'intention de partir et son régime semble encore solide bien qu'il connaisse un certain nombre de défections. Mais elles montrent déjà que le pouvoir politique qui pourrait lui succéder risque d'être bien plus l'instrument de quelques régimes voisins, et au-delà de l'impérialisme, que celui du peuple syrien et le représentant de ses aspirations démocratiques.