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- Lutte ouvrière n°2125
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Dans les entreprises
Toyota-Valenciennes : La direction a dû reculer !
Beaucoup de grévistes considèrent que c'est une victoire, avec le chômage partiel payé à 90-95 % du salaire net, primes comprises rétroactivement à partir du 1er février 2009 ; l'étalement des jours de grève à raison d'un jour par mois ; la levée des menaces judiciaires pesant sur les grévistes assignés au tribunal pour le blocage des camions ; et l'engagement de la direction à ne prendre aucune sanction pour fait de grève.
Une minorité de grévistes auraient voulu continuer, au moins pour obtenir le paiement d'une partie des journées de grève, et c'était légitime. Car la grève, commencée le lundi 6 avril, a duré deux semaines à cause des positions intransigeantes de la direction. Ce n'est même pas pour des raisons financières, car c'est l'État surtout qui prend en charge le complément de versement du chômage partiel, mais par principe parce que, pour les actionnaires et directeurs de Toyota, on ne cède pas aux travailleurs, « Plutôt crever que de céder », avait dit de façon provocante le directeur français devant ses cadres, et en termes à peine moins vulgaires le directeur japonais l'avait répété devant le comité de grève et les représentants de la CGT et de FO : « Pas de travail, pas de salaire.C'est un principe pour le groupe Toyota. » Et après cela on viendra nous expliquer que le patronat ne mène pas la lutte de classe...
Rien n'arrête cette direction de combat, ni les provocations, ni les mensonges ! Alors que les grévistes pouvaient encore entrer dans l'usine et manifestaient, il y a eu de nombreuses tentatives pour provoquer des altercations. Pour semer le trouble, la direction n'a même pas hésité à faire dire par son encadrement que le responsable du syndicat FO était désavoué par sa direction nationale et que le responsable CGT n'avait déclenché la grève que pour sa campagne électorale pour les élections européennes ! FO a dénoncé ces calomnies et renouvelé son soutien aux militants de Toyota. Quant à déclencher une grève pour sa « carrière politique », le directeur japonais prêtait beaucoup de pouvoir au délégué CGT - tête de liste LO dans la région Nord-Ouest - et affichait surtout son mépris pour plus de 600 ouvriers et ouvrières qui se sont mis en grève à un moment ou à un autre.
D'ailleurs le responsable de communication de la direction de Toyota n'hésite pas à se répandre sur les ondes en affirmant que l'objectif premier de Toyota est de maintenir l'emploi, qu'il y aurait même un sureffectif à l'usine... alors que des centaines d'intérimaires ont été licenciés et que des débrayages menacent après la fin de la grève pour obtenir le personnel nécessaire sur les chaînes ! Les seuls en sureffectifs, ce sont ce genre de personnages et autres directeurs !
Le 15 avril, la venue de Jacky Hénin du PCF et le lendemain, lors d'un barbecue organisé par la CGT Métallurgie, celle d'Arlette Laguiller, Nathalie Arthaud, Olivier Besancenot, puis d'Alain Bocquet du PCF, ont apporté un réel soutien aux grévistes.
Finalement le blocage des badges des grévistes, les refus de la direction de faire quelques concession et tous ses mensonges et provocations ont entraîné le blocage des quatre entrées de l'usine, jour et nuit. Plus aucun camion ne pouvant entrer, l'activité sur les chaînes s'est interrompue le 16 avril à 19 heures.
Au même moment les travailleurs de l'entreprise en face, Simoldés, qui fabriquent des pièces en plastique pour l'automobile (Toyota n'est pas un de ses clients) se mettaient en grève eux aussi, pour le même problème de paiement à 100 % du chômage partiel, et bloquaient leurs entrées face à celles de Toyota. On apprenait aussi que la grève éclatait dans l'entreprise Valmex (maintenant Acumex) - boulonnerie pour l'automobile - après l'annonce d'une fermeture probable. À l'autre bout de la région, le conflit de Valeo à Étaples, pour des problèmes aussi de paiement du chômage partiel passé, se durcissait. Et il y avait eu les transporteurs Willi Betz et Transfreigt sur le site de Toyota, dont les conducteurs avaient fait grève pour leurs salaires... et obtenu satisfaction quasi immédiatement. Et puis les ouvriers de Faurecia Somain, au chômage technique car ils livrent les sièges à Toyota... que la direction payait tout de même, n'osant pas les mettre en chômage technique.
Tout cela faisait beaucoup et incitait la direction départementale du travail à engager des négociations. La direction acceptait finalement le paiement du chômage partiel à 75 % du salaire brut, primes comprises, soit plus de 90 % du salaire net... sous condition de levée immédiate des barrages. Dans les ateliers à l'arrêt, les non-grévistes envoyaient des SMS d'enthousiasme aux grévistes pour avoir réussi à faire reculer Toyota... mais ils ne rejoignaient malheureusement pas la grève !
Lundi 20 avril, après tout un week-end de blocage, quatre portes, trois équipes, les rangs actifs s'amenuisaient... alors que onze grévistes assignés devaient se rendre au tribunal à 14 heures... Les négociations reprenaient alors sous la houlette du directeur départemental du travail, pour aboutir aux mêmes propositions que le vendredi précédent, plus l'étalement plus important du prélèvement des jours de grève.
La grande majorité des grévistes étaient alors pour accepter et lever les barrages. Pour certains, le coût de la grève est élevé. Mais maintenant l'atmosphère dans les ateliers de Toyota a changé. Tout le monde va rapidement mesurer ce qu'a apporté cette première grève aux milliers de jeunes travailleurs de l'usine, car il est évident pour tous que la mobilisation sera encore nécessaire, y compris même pour faire appliquer les engagements signés par la direction.
Les grévistes ont pu reprendre le travail fiers de leur lutte, accueillis très chaleureusement dans une ambiance profondément transformée.