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- Lutte ouvrière n°2125
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Editorial
Les lois sont faites pour protéger le profit, pas les travailleurs
« Entrave à la liberté du travail », voilà le chef d'accusation au nom duquel dix-neuf grévistes de Caterpillar ont été condamnés. C'est aussi sous ce chef d'accusation qu'ont été assignés des grévistes de l'usine Toyota d'Onnaing, avant que la direction recule. Et au lendemain du sursaut de colère des travailleurs de Continental protestant devant le jugement du tribunal qui a donné raison à leur patron en train de fermer l'usine, on a entendu Fillon les menacer des rigueurs de la loi.
L'accusation d'entrave à la liberté du travail est d'un cynisme écoeurant dans le cas de Caterpillar dont les travailleurs sont en lutte pour empêcher un plan de licenciement massif visant à supprimer plus d'un quart des emplois sur les sites de Grenoble et Échirolles.
Ainsi donc, une entreprise qui est en train de fouler aux pieds tout à la fois la liberté et le droit au travail pour un quart de ses effectifs agit avec la bénédiction du tribunal. Et ce sont ceux qui sont menacés de perdre leur travail qui sont condamnés !
Cet épisode judiciaire dans la lutte des travailleurs de Caterpillar est significatif de quel côté est la loi et dans l'intérêt de qui est définie la légalité.
Les patrons peuvent en toute légalité licencier une partie ou la totalité du personnel, voire fermer complètement une usine ou la délocaliser.
Mais de quels moyens légaux disposent les salariés pour se défendre ? De quels moyens légaux disposent les travailleurs de Caterpillar pour empêcher la réduction brutale des effectifs alors que l'entreprise qui les met à la porte a réalisé un bénéfice de 3,5 milliards de dollars pour l'année passée ? Ce qui permettrait largement de garder tout le monde en répartissant le travail entre tous et sans diminuer les salaires. Quel est le tribunal qui interdirait aux actionnaires de Continental de fermer l'usine de Clairoix ?
Les lois ne sont pas faites pour défendre les travailleurs, mais pour protéger les intérêts des propriétaires et des actionnaires des entreprises.
Alors, tous ceux qui invoquent la loi pour s'indigner du blocage d'une usine ou de la séquestration momentanée d'un haut cadre sont de fieffés hypocrites ou des avocats des intérêts patronaux.
Puisque les lois consacrent la dictature des uns sur les autres, la première conclusion qui s'impose est que ces lois sont mauvaises et que la légalité est surtout un moyen de faire accepter leur sort aux exploités. Mais les lois n'ont été changées dans le sens des intérêts des travailleurs que sous leur pression. Et le choix des moyens utilisés par les travailleurs en lutte se juge en fonction de leur efficacité, et pas en fonction de considérations juridiques d'une justice plus préoccupée de défendre le profit que les êtres humains.
Les bonnes âmes nous disent que la lutte de classe n'existe plus. Mais les patrons, eux, la mènent en permanence et de plus en plus brutalement en cette période de crise. Oh, ils respectent les lois faites pour eux, mais ils foulent aux pieds sans état d'âme le droit à l'existence de ceux qui constituent un obstacle devant leur course au profit.
Les patrons et leurs porte-parole voudraient bien que cette lutte de classe soit à sens unique, que les travailleurs qu'ils agressent ne se défendent pas et acceptent, résignés, le sort qu'ils veulent leur imposer.
Le patronat veut que la crise économique dont il est entièrement responsable soit entièrement payée par le monde du travail. Mais, en multipliant les licenciements, en aggravant le chômage, en démolissant le pouvoir d'achat avec l'aide de l'État, c'est lui-même qui finira par provoquer l'explosion sociale qui, seule, peut le faire reculer.
Pour le moment, les travailleurs qui se battent sont surtout ceux qui ont le dos au mur, ceux dont l'entreprise réduit ses effectifs ou qui ferme. Mais il faut qu'ils aient la solidarité de tous avant que ceux qui ne sont pas encore touchés finissent par l'être. Ce qui arrivera car nous sommes tous, en réalité, le dos au mur face à un patronat rapace.
Les directions syndicales appellent à manifester le 1er mai. Choisir comme suite au 19 mars une telle journée où l'on ne peut pas décompter le nombre de grévistes n'est certainement pas la meilleure idée. Mais puisque cette proposition a été faite, il faut faire en sorte que les manifestations soient tellement massives que le patronat et le gouvernement voient que la colère monte.
Ce n'est peut-être pas encore ce qui les fera reculer, mais cela leur montrera que la coupe est pleine.