- Accueil
- Lutte ouvrière n°2087
- Keops Info Centre - Limoges (Haute-Vienne) : La galère d'un centre d'appel
Dans les entreprises
Keops Info Centre - Limoges (Haute-Vienne) : La galère d'un centre d'appel
Keops Info Centre est une entreprise de Limoges qui offre ses services à d'autres entreprises (France Télécom, le CNASEA, Legrand, Schucco). Elle leur fournit des équipes de formation, des ingénieurs informaticiens pour leur système d'information (internet...) et aussi « un centre de contact pour la gestion de leurs relations clients ».
Officiellement l'entreprise emploierait 180 personnes mais, avec le va-et-vient des contractuels et des intérimaires, il est difficile de savoir... comme il est difficile de savoir qui est le groupe Nasar dont fait partie Keops.
Au centre d'appels, il y a une centaine de « télé-acteurs » (en majorité des jeunes femmes) qui sont répartis sur trois salles. Les horaires sont mobiles et changent tous les vendredis. La majorité des télé-acteurs sont en « CDD ouverts », c'est-à-dire que nous sommes recrutés pour effectuer une « mission » pour un client de Keops, mission dont on ne connaît que rarement le contenu exact (combien de « fiches » devons-nous appeler ?) et encore moins la durée. On nous recrute pour effectuer 30 heures de travail hebdomadaires (payées au smic horaire). Quand la mission dure trop longtemps, on nous fait travailler 35 heures, une heure de plus par jour, mais ce n'est pas une heure supplémentaire !
Le matin et l'après-midi, on nous accorde une pause de 10 minutes, décomptée des heures de travail, il faut donc travailler 20 minutes de plus par jour pour rattraper. Et il ne faut surtout pas dépasser, chaque « manager » veille à nous faire rattraper la moindre minute perdue. Ce manager est celui qui a recruté les télé-acteurs pour faire exécuter la mission dont il s'occupe, et c'est lui qui les « surveille » et décidera des éventuelles affectations pour d'autres missions.
Pendant la journée, dans une salle d'une quarantaine de box, les équipes défilent en fonction de leurs horaires, aucune équipe n'ayant les mêmes, et au sein d'une même équipe, les horaires peuvent être décalés aussi, ce qui rend difficile les contacts.
Sur les postes de travail, dès que nous avons pointé, « les fiches montent », c'est-à-dire que l'ordinateur téléphone pour nous. Nous ne sommes là que pour cliquer pour enregistrer dans le programme les réponses de nos interlocuteurs. Impossible de souffler ou de parler à son voisin, l'ordinateur « fait remonter » sans arrêt les autres fiches.
Très peu de télé-acteurs restent plus d'un an dans l'entreprise : une vingtaine environ sont là depuis plusieurs années, la moitié sont en CDI, les autres préfèrent rester en CDD, soit pour la prime de précarité, soit pour partir quand l'occasion s'en présentera.
Pourtant début juillet, le mécontentement a éclaté parmi les CDD. Les CDI avaient exceptionnellement été payés le 25 juin, et le 4 juillet les CDD attendaient toujours leur paye, promise pour le lundi puis pour le mardi, le mercredi toujours rien. Alors des télé-acteurs ont interpellé les managers, évoquant « des enfants à élever seuls, avec des découverts de 700 euros, les primes servant à couvrir les agios, et la paye qui n'arrive pas ». Malgré les horaires décalés et l'interdiction de circuler dans les « salles de production », la colère s'est répandue avec l'idée de se mettre en grève le lendemain. Et le jeudi matin, il a suffi qu'une fille refuse de se mettre au travail pour qu'une équipe suive. Les managers ont alors demandé aux grévistes de sortir de la salle de production, ce qui leur a permis d'informer les collègues des autres salles qui embauchaient.
Le débrayage n'a concerné qu'une dizaine de personnes et a duré au maximum deux heures pour les plus décidés. Mais cela a suffi pour que la direction reçoive des représentants en tentant de se justifier et en promettant un ordre de payer immédiat.
Effectivement, suite aux deux heures de grève les banques ont reçu les virements le matin même. Pour la plupart des CDD, le contrat de mission se terminait le lendemain avec promesses de rappel... plus tard. Mais au moins ils étaient payés !