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Editorial
Pendant les congés, les sales coups continuent
A quelques jours des congés d'été, deux grandes entreprises, Renault et Saint-Gobain, viennent d'annoncer coup sur coup une réduction importante de leurs effectifs. Renault supprime entre 5 000 et 6 000 postes en Europe, dont un millier à Sandouville. Saint-Gobain supprime 6 000 emplois un peu partout dans le monde.
Renault venait pourtant d'annoncer des bénéfices confortables et un chiffre d'affaires en hausse. Mais, expliquait son PDG, Carlos Ghosn, « notre chiffre d'affaires ne progresse pas à l'allure que l'on pensait », et les suppressions d'emplois sont une « mesure d'anticipation ». Faut-il rappeler que le trust PSA Peugeot-Citroën a supprimé en à peine plus d'un an 14 000 postes dans ses différentes usines en Europe ?
Ces entreprises, parmi les plus grandes et les plus riches aussi, sont la partie émergée de l'iceberg, celles dont la presse parle un peu. Mais, à côté de celles-là, combien d'autres entreprises réduisent leurs effectifs ? Et, parmi elles, combien qui sont bénéficiaires ? Mais elles préfèrent, toutes, « par anticipation » assurer la hausse de leurs profits en faisant faire plus de travail par moins de travailleurs en les usant à mort avant de les rejeter.
Quoi d'étonnant si le nombre de ceux qui se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire en dessous de 880 euros par mois, avoisine aujourd'hui les huit millions de personnes, 13 % de la population, bien plus même que le nombre, déjà élevé, de chômeurs ? Ceux qui sont licenciés par les grandes entreprises, même s'ils retrouvent un emploi qui les fait sortir des statistiques du chômage, trouvent surtout un emploi précaire, intermittent ou à temps partiel non souhaité. Payés au tarif du smic, ces temps partiels se traduisent sur la feuille de paie par des sommes représentant les deux tiers, voire la moitié du smic.
Aux coups portés par le patronat au monde du travail, l'État continue à ajouter les siens. Le dernier Conseil des ministres avant les vacances de ces messieurs les ministres s'est penché sur les comptes de la Sécurité sociale. Une campagne de presse orchestrée l'a précédé pour reparler du déficit et de l'urgence de le réduire. Tous ceux qui pérorent à ce sujet savent parfaitement que, pour combler ce déficit, il faudrait que les entreprises paient leurs cotisations et que l'État cesse de leur accorder des exonérations de charges sociales sous mille et un prétextes. Et lorsque l'État compense, ce qui n'est pas toujours le cas, pas complètement et pas à temps, c'est le déficit de son budget qui s'en trouve augmenté. Mais le gouvernement n'allait tout de même pas gêner les patrons dont les exonérations représentent une partie conséquente des bénéfices. A plus forte raison, il n'est pas question d'augmenter leurs cotisations.
Une fois de plus, ce sera aux salariés de payer. Oh, par prudence, le gouvernement n'a pas augmenté directement les cotisations ! Il a choisi une procédure plus hypocrite en taxant les mutuelles. Tout le monde sait, et les dirigeants des mutuelles ne s'en cachent pas, que cela se traduira par une augmentation des cotisations des adhérents. Par ailleurs, on renforcera la pression sur les médecins pour réduire les prescriptions.
Pour justifier la taxation des complémentaires santé, le gouvernement ne cesse d'invoquer leurs marges. Mais une bonne partie de ces complémentaires santé sont des mutuelles, en principe sans but lucratif. En revanche, il n'est jamais question pour le gouvernement d'évoquer les profits élevés des entreprises pour les taxer, alors qu'une petite fraction des profits des entreprises du CAC 40 suffirait à combler largement le déficit de la Sécurité sociale.
Mais le profit privé est sacré. Il n'est pas question de toucher aux dividendes des actionnaires. La démarche du gouvernement est toujours la même : faire payer les revenus les plus modestes pour ne pas avoir à obliger les patrons à payer ce qu'ils doivent.
Le dernier Conseil terminé, nos ministres peuvent partir en congé l'âme en paix : ils ont bien mérité du grand patronat et des riches tout au long de l'année. Non sans avoir commis une dernière saleté avec cette loi sur les logements qui dit aux millions de mal-logés ou de pas logés du tout : si vous n'avez pas de logement, achetez-vous en un ! (version moderne du fameux : « Si vous n'avez pas de pain, mangez de la brioche ! »).
Et dans la foulée de cette nouvelle loi, le gouvernement assouplit également la loi dite SRU obligeant les municipalités à construire un minimum de 20 % de logements sociaux. Cette loi n'a jamais été appliquée par un certain nombre de municipalités les plus riches. Plutôt que de les y obliger, on change la loi...
Il est des commentateurs qui, au vu de la succession de mesures de ce genre tout au long de l'année, annoncent des mouvements sociaux à la rentrée. Ce que l'on peut souhaiter, c'est que le monde du travail, exaspéré par les coups du duo patronat-gouvernement, réagisse, et réagisse massivement. Il n'y a que cela qui peut arrêter cette infime minorité qui dirige l'économie et qui, servie par la clique politique au pouvoir, est en train de démolir les conditions d'existence de ceux dont le travail fait vivre la société.